L’influence, c’est la transformation de certains éléments de la présence en véritables références universelles ou nationales pour les pays étrangers. On peut être présent dans un État, y vendre des produits et repartir. Être influent, en revanche, c’est venir avec une valise pleine d’idées et laisser celle-ci sur place.
La France a une grande influence dans le monde, nonobstant les promoteurs du french bashing, ces prophètes de malheur d’un déclin inexorable de notre pays. Elle existe sur la scène internationale et l’on est fier d’être Français lorsque l’on vit à l’étranger.
L’influence française, c’est d’abord notre capacité à peser sur le sort du monde en luttant pour nos valeurs de démocratie et de liberté, en combattant les extrémismes et la barbarie à l’œuvre non seulement en Syrie et en Irak, mais aussi sur le continent africain, au Mali, en Libye, en Tunisie ces jours derniers. Nous pensons avec émotion aux victimes des attentats et à leurs familles.
L’armée française a démontré ses capacités opérationnelles et la valeur militaire qui anime ses officiers, ses sous-officiers et ses soldats, auxquels je tiens à rendre en cet instant un hommage soutenu. On ne peut que regretter que le pacte de stabilité et de croissance européen ne tienne pas compte de l’incidence budgétaire des interventions militaires des États membres au service de la paix. Monsieur le ministre, dans ce domaine, qu’en est-il des demandes de la France auprès de ses partenaires ? S’agit-il de vœux pieux reçus comme tels ou de demandes concrètes se traduisant par une véritable solidarité européenne ? Nous ne pouvons être les seuls en Europe à fournir des efforts en la matière.
Par ailleurs, la culture française et la francophonie constituent des relais majeurs de notre influence. L’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, l’AEFE, notre réseau d’enseignement à l’étranger, et les alliances françaises y contribuent de façon éminente.
Je veux souligner l’action si importante de l’Assemblée parlementaire de la francophonie dont je fais partie.
Du point de vue culturel, comme en matière de commerce extérieur, l’heure est à la restructuration, à la réduction des crédits et à la mutualisation des moyens, dans un contexte de budget contraint, comme nous le disent si élégamment nos administrations.
Ainsi, 95 établissements à autonomie financière ont été fusionnés avec les services de coopération et d’action culturelle, 59 services continuent d’exister dans les postes qui étaient dépourvus d’établissement. Cette fusion assure un pilotage unifié et une harmonisation des méthodes de travail. Elle permet de mobiliser des financements extrabudgétaires : recettes tirées des activités des établissements, cofinancements dans le cadre de partenariats publics ou privés.
Le taux d’autofinancement moyen est passé de 62 % en 2011 à 66, 6 % en 2013 et le montant des cofinancements de 187 millions d'euros en 2012 à 205 millions d'euros en 2013. Il faut continuer sur cette lancée.
Je regrette toutefois l’abandon du projet de rattachement du réseau culturel public à l’opérateur Institut français, projet de longue date, soutenu par les rapporteurs de la mission commune d’information du Sénat sur la réforme de l’action culturelle extérieure, Jacques Legendre et Josselin de Rohan, et par mes collègues lors de l’examen budgétaire. Sa concrétisation aurait permis l’émergence d’une structure publique française d’envergure, sur le modèle du British Council ou du Goethe Institut. L’expérimentation sur douze postes, conduite entre 2011 et 2013, a été jugée trop coûteuse, preuve que, en matière de culture aussi, l’argent reste toujours le nerf de la guerre.
L’Institut français, programmé pour absorber le réseau et qui s’était doté des outils administratifs et comptables pour y faire face, se retrouve en manque de missions.
Monsieur le ministre, qu’en est-il du nouveau contrat d’objectifs et de moyens en vue de conforter le rôle de stratège de l’Institut français ?
Passons maintenant au volet économique de notre influence.
UbiFrance et l’Agence française pour les investissements internationaux ont été regroupées pour constituer un pôle économique performant à l’international : Business France. Des négociations ont été engagées par Business France et CCI International. Ces changements ont suscité quelques inquiétudes dans plusieurs chambres de commerce françaises à l’étranger.
Les chambres assurent des fonctions d’accueil, d’organisation de missions et de réception d’entrepreneurs, d’accompagnement des sociétés, d’hébergement en pépinières d’entreprises, d’aide à l’emploi, de travail en réseau. Elles emploient du personnel, en majorité français. Elles sont appréciées par les autorités locales qui les soutiennent. Elles privilégient une approche de terrain. Il ne faut surtout pas tuer tout cela.
Il faut laisser de la souplesse dans l’application du nouvel accord qui vient d’être conclu, dès lors que les chambres ont le niveau, et ne pas mettre celles-ci en difficulté après qu’elles aient investi pendant des années et assuré ce rôle avec le plus grand professionnalisme.
Ces structures sont dans certains cas dirigées par un bureau exécutif composé de bénévoles : entrepreneurs et dirigeants de grands groupes français qui donnent leur temps et leur expérience aux PME et aux personnes en recherche d’emploi.
La mise en œuvre de cet accord est subordonnée à la signature d’accords locaux.
Quelques questions demeurent sur l’efficacité du nouveau dispositif.
Business France aura-t-il les moyens de reprendre une partie des missions accomplies aujourd’hui avec efficacité par les chambres de commerce françaises à l’international ?
Dégagera-t-on des moyens supplémentaires ou ira-t-on puiser dans ce qui était auparavant les revenus des chambres de commerce françaises à l’international, mettant ainsi ces dernières dans une situation financière difficile, les obligeant à réduire leurs services, leur personnel et leurs installations ?
Le plafond d’emplois de Business France sera-t-il ajusté ?
Monsieur le ministre, permettez-moi aussi d’évoquer le problème des nouvelles nominations des conseillers du commerce extérieur.
Trop souvent, les candidatures masculines de l’étranger sont refoulées, au motif de la féminisation... En effet, un quota de 20 % de femmes auquel sera ajouté 1 % par an pour le porter à 23 % au mois de juillet 2017 est exigé pour l’ensemble des nouvelles promotions. Ce chiffre, qui peut paraître très raisonnable, est difficile à atteindre à l’étranger où, pour l’instant, peu de femmes viennent en tant qu’entrepreneurs ou occupent des postes de direction de grands groupes.
Ce pourcentage, outre le côté dévalorisant d’avoir à « imposer » des femmes, dont le principal critère de sélection est le seul fait d’être femme, peut empêcher la nomination d’hommes bénévoles, occupant des postes de direction dans des grands groupes, volontaires pour participer aux travaux des conseillers du commerce extérieur dans le but d’améliorer le commerce extérieur de la France.
La diminution constante du nombre de ces conseillers dans le monde constitue un autre effet induit par la féminisation et le refus de nouvelles candidatures masculines. Ainsi, les sortants ne sont pas remplacés à nombre au moins égal par de nouvelles nominations.
Cela étant, le réseau consulaire français est l’un des signes majeurs de la présence et de l’influence de notre pays. Troisième réseau mondial en nombre d’implantations et occupant le premier rang eu égard à l’éventail des services offerts, il est confronté à la nécessité de s’adapter à la cartographie des communautés françaises à l’étranger et au progrès rapide des techniques de communication.
Admirons la richesse de la langue administrative pour traduire certaines de ces adaptations : consulats d’influence à gestion simplifiée, postes de présence diplomatique à format allégé, développement de la subsidiarité entre réseaux, allégement des missions de consulats généraux à gestion simplifiée par des mesures de mutualisation et d’adossement à une structure française présente, brigades volantes en cas de pics d’activité.
Monsieur le ministre, je puis vous assurer que, contrairement à la publicité qui vante les performances des produits allégés, nos compatriotes expatriés n’aiment pas trop ces « allégements » de notre réseau consulaire. §Ils préféreraient une expression toute simple : « création de consulats de proximité ».
Vous avez pris l’excellente initiative de réunir les parlementaires représentant les Français établis hors de France pour les informer de vos intentions dans ce domaine. Leurs vœux vous sont connus. Je citerai tout particulièrement l’amélioration de l’accueil des Français et des étrangers dans certains postes, notamment pour prendre des rendez-vous, ainsi que l’élargissement des compétences et moyens des consuls honoraires.
Citons également l’augmentation de la capacité du portail de téléservice à la disposition de nos compatriotes – MonConsulat.fr –, notamment pour l’inscription au registre. La création d’un véritable consulat virtuel ne peut-elle être envisagée ?
Citons aussi la politique de réduction des délais pour la délivrance des visas, comme cela s’est pratiqué en Chine, pour favoriser nos échanges.
Par ailleurs, monsieur le ministre, vous avez déclaré que l’art culinaire figurait parmi nos vecteurs d’influence.
La diplomatie a en effet de tout temps regardé l’art culinaire comme un moyen de faciliter la négociation, de créer une ambiance de détente, sinon de bonne humeur, autour de discussions ardues ou crispantes. « Donnez-moi de bons cuisiniers, je me charge du reste ! » disait Talleyrand.
La gastronomie participe au rayonnement de la France à l’international. Elle est partie intégrante de notre patrimoine culturel et de notre savoir-vivre.
Cette année, la Journée du goût de France, dont vous êtes à l’initiative, a été célébrée avec éclat par tout notre réseau diplomatique.
Soyons fiers d’être le pays de l’élégance et des plaisirs de la table !
Ce sont ces valeurs-là, bien françaises, d’optimisme, de travail, d’engagement et d’excellence, dont les deux millions de Français de l’étranger sont les ambassadeurs dans le monde. C’est là aussi que réside la véritable influence française, en tout cas celle que personne ne nous conteste !