Intervention de Hélène Conway-Mouret

Réunion du 25 mars 2015 à 16h15
Débat sur l'influence de la france à l'étranger

Photo de Hélène Conway-MouretHélène Conway-Mouret :

Je commencerai par la loi de séparation. Nous le savons, depuis les philosophes des Lumières et la révolution de 1789, la France est avant tout attendue pour ses idées. Suivant l’exemple français, la laïcité a été reprise dans la plupart des constitutions latino-américaines, dont la constitution uruguayenne de 1917. Je soupçonne Clemenceau, qui fit une tournée en Amérique du Sud en 1910, de ne pas y avoir été totalement étranger.

Cette influence des idées, qui est aussi celle du code civil ou du système éducatif, se retrouve symboliquement dans la devise du Brésil, « Ordre et progrès », inspirée par le philosophe Auguste Comte. Cela signifie que, depuis plus d’un siècle, les élites brésiliennes ont installé dans leurs systèmes de formation des références françaises dans toute une série de domaines.

L’influence de la France est naturellement aidée, on le devine, par la diffusion du français. Cette année, plus de 200 000 élèves étrangers, dans 135 pays, sont scolarisés au sein de nos établissements à l’étranger. Ce réseau unique au monde est un instrument essentiel de notre diplomatie d’influence, puisque les élèves étrangers effectuant leur scolarité dans notre langue, conformément aux valeurs de notre éducation, sont ainsi incités à poursuivre leurs études supérieures en France ; beaucoup d’entre eux deviennent ensuite des décideurs ou des personnes d’influence dans leur pays. Je me souviens ainsi d’un déjeuner officiel offert par le président guatémaltèque, Otto Pérez Molina, ancien élève du lycée Jules-Verne de Guatemala ville, qui se tint en français. Ces anciens élèves et étudiants constituent autant de partenaires naturels pour la France et autant de relais de son influence.

L’Alliance française, la Mission laïque française et l’Institut français contribuent également à notre influence. On peut penser que, si la notion d’« exception culturelle », selon laquelle la culture n’est pas une marchandise, a été reprise lors la réunion du GATT à Marrakech, en 1993, c’est peut-être aussi parce qu’un certain nombre de négociateurs, parlant la même langue, à savoir le français, partageaient les mêmes idées.

Mais l’influence par les idées n’a d’égale que l’influence du béret basque ! §L’Uruguay compte en effet une communauté française originaire du Pays basque et du Béarn. Au XIXe siècle, elle représenta presque 15 % de la population. Il en reste aujourd'hui le béret des gauchos. Cette communauté est à l’image des près de trois millions de Français établis hors de France, qui font vivre quotidiennement, dans leurs pays de résidence, notre langue et nos idées. Ce sont eux qui, directement et au travers de leurs conseillers consulaires – ces nouveaux élus de proximité les représentent localement –, sont nos meilleurs relais, voire nos ambassadeurs, pour reprendre un terme utilisé précédemment.

On le sait, les motifs de l’expatriation sont nombreux. Par leur capacité à tendre des passerelles avec le monde, celles et ceux que j’ai rencontrés repoussent les frontières de la France. Les jeunes actifs se montrent de plus en plus mobiles. Ils constituent une richesse pour notre pays, ainsi qu’une source de compétitivité, notamment à leur retour.

L’expatriation est une liberté, même si certains se plaisent aujourd'hui à la contester ou à la stigmatiser en parlant de « fuite » et d’« exil ». C’est surtout une nécessité pour toute nation ambitieuse aspirant à conquérir de nouveaux marchés. La mobilité internationale des Français est un précieux levier pour le redressement économique de la France.

L’influence française s’incarne également dans l’imprimante 3D développée par quarante ingénieurs français, qu’utilise un jeune entrepreneur français –je l’ai récemment rencontré à Montevideo -, pour produire des drones civils. C’est bien ce dynamisme de la science, récompensé par prix Nobel et médailles Fields, c’est bien ce dynamisme des créateurs autant que des penseurs qui est essentiel à l’influence de la France.

Notre pays doit aussi son influence à la grande qualité de ses professionnels et de son éducation. On trouve des ingénieurs et des chercheurs français dans le monde entier. Ils sont particulièrement compétitifs dans les secteurs du bâtiment et des travaux publics, des transports et de l’énergie, ainsi que dans l’industrie agronome et agroalimentaire, l’informatique, les télécommunications et les nouvelles technologies.

À l’heure où la France cherche à redresser un déficit commercial de 70 milliards d’euros, qui faisait partie de l’héritage légué en 2012, la présence de Français à l’étranger est une chance pour notre pays. Ce levier de développement économique n’est pas toujours perçu à sa juste valeur.

Certes, mes chers collègues, j’aurais pu rappeler, plus simplement, que la France reste la deuxième économie d’Europe et la cinquième du monde, qu’elle demeure le sixième exportateur mondial de biens, qu’elle est attendue et appréciée à l’étranger, que son image est renforcée par votre action, monsieur le ministre, et surtout que les Français sont présents et actifs dans tous les domaines.

Cependant, il manquerait encore à cette énumération ce qui, selon moi, fait l’influence de la France.

Cette influence n’est pas le fait de l’État ni de quelques-uns, même lorsqu’ils y participent activement. Non, je crois qu’elle est le fait de ceux qui transforment leurs rêves en actions.

C’est pour les encourager et les accompagner que, sous votre impulsion, monsieur le ministre, le Gouvernement s’est attaché, depuis trois ans, à assurer la mise en réseau de tous les acteurs de notre présence afin de démultiplier notre influence.

Sachez que vous pouvez compter sur notre soutien pour vous aider à mobiliser tout notre potentiel dans le monde.

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