Nous poursuivons aujourd'hui nos auditions relatives à la révision annoncée de la directive du 22 mai 2001 sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information.
Nous avons reçu dans ce cadre, le 10 mars, M. Pierre Sirinelli, professeur à l'Université Paris I-Panthéon Sorbonne et membre du Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSPLA), qui nous a entretenus des conclusions de son récent rapport. Il nous a fait part de ses réticences quant à une modification des équilibres actuels, qui passerait outre une négociation avec les représentants des ayant droits et une réflexion sur le rôle des intermédiaires techniques. Il estime d'ailleurs que s'impose une révision parallèle de la directive relative au commerce électronique. Pour autant, il considère que les évolutions de la technologie numérique intervenue depuis 2001 ont entraîné un changement profond des modes de consommation des produits culturels, remettant en cause les modèles classiques de financement de la création, de partage de la valeur et d'équilibre des droits entre auteurs et consommateurs. Dès lors, une réflexion sur l'évolution du droit d'auteur et des droits voisins à l'ère numérique ne lui semble pas dénuée de sens.
L'Union européenne va plus loin. Son aspiration à réformer le droit d'auteur et les droits voisins, dans leurs aspects communautaires, prend sa source dans son projet d'édification d'un marché numérique européen unique, où, pour faciliter la circulation des oeuvres, les exceptions seraient identiques sur le territoire de l'Union et les règles de territorialité un lointain souvenir. Un rapport a été confié en ce sens à Julia Reda, dont les conclusions marquent une rupture certaine avec les principes du droit d'auteur « à la française ». Il va sans dire que deux conceptions des conditions de diffusion des oeuvres et de la rémunération des auteurs s'opposent et que les prochains mois de négociation seront cruciaux.
Je souhaite la bienvenue à M. Bruno Boutleux, pour la société civile pour l'administration des droits des artistes et des musiciens interprètes (Adami) ; Mme Anne-Marie Ferry-Hall, pour la société des droits d'auteur dans le domaine des arts graphiques et plastiques (Adagp) ; M. Hervé Rony, pour la société civile des auteurs multimédia (Scam) et M. Jean-Noël Tronc, pour la société de gestion des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (Sacem).
Quel est, en l'état, votre analyse de l'application du droit actuel et des difficultés que poseraient, selon la Commission, le système des exceptions et les règles de territorialités des droits tels qu'ils s'appliquent aujourd'hui ? Que peut-on craindre, pour les artistes comme pour les producteurs, d'une révision de la directive de 2001 telle qu'envisagée dans le rapport Reda ? Quelles sont vos propositions quant à une modification juste, équilibrée et utile de la directive de 2001 au regard de la place acquise par le numérique dans l'économie de la culture ? Comment continuer à protéger les auteurs et à financer la création à l'ère du numérique, entre illusion de gratuité et facilité du piratage ? Telles sont les questions sur lesquelles notre commission de la culture, de l'éducation et de la communication vous invite à vous exprimer.