On peine à comprendre ce qui se passe au sein de l'Union européenne. Même le commissaire à l'économie numérique, M. Oettinger, que l'on dit plus modéré, parle d'une remise à plat complète de la directive et le vice-président Ansip, en charge du marché unique du numérique, que nous avons rencontré à l'occasion de la remise du rapport sur le poids économique de la culture en Europe, fait preuve d'une attitude très agressive. Quel paradoxe dans cette stratégie qui, si elle aboutissait, affaiblirait une des rares forces de l'économie européenne ! Car combien l'Europe compte-t-elle de secteurs économiques dotés d'une capacité à créer des emplois non délocalisables - 1,2 million en France -, qui profitent aux jeunes, y compris non diplômés, et qui comptent deux ou trois leaders mondiaux dans leur catégorie ? Comment imaginer que la Commission fasse une priorité de cette révision, qui aboutirait à affaiblir une des forces de l'Europe ? Et comment comprendre que l'on nous parle d'urgence ? Allez donc demander aux électeurs si la copyright modernisation, comme l'appelle la Commission, représente une priorité !
La vérité, c'est qu'en faisant réaliser à de pseudo-experts un bilan souvent assez pervers, on cherche à mettre à bas notre modèle du droit d'auteur, qui fait figure de référence dans le monde. La Sacem, la plus grande société d'auteurs dans le monde, compte 153 000 sociétaires - 4 000 nous ont encore rejoints l'an dernier -, de 162 nationalités. Nous sommes la première société d'auteurs du Brésil, d'Afrique et du monde arabe. Pourquoi ? Parce que ces auteurs du monde entier considèrent que notre modèle est performant, efficace dans la collecte qui apparaît comme une référence.
Si l'on revient sur la directive de 2001, cela aura des conséquences qui iront bien au-delà des frontières de l'Europe. M. Paul Williams, président de l'Ascap (American Society of Composers, Authors and Publishers), qui a comparé le droit d'auteur à la lumière de la torche de la statue de la liberté, a clairement mis en garde : toucher au droit d'auteur aurait des conséquences au niveau international. Eu égard au système juridique qui est désormais le nôtre, la simple décision d'une juridiction française pourrait mettre à bas un droit qu'il faut considérer, d'abord, comme un droit de l'homme ; un droit qui est aussi un droit complet sans être complexe ; un droit qui est enfin le plus moderne de tous puisqu'il est, par nature, indépendant du support. À l'époque de la création de la Sacem, sous la troisième République, la musique était diffusée dans des lieux vivants par des artistes interprètes, ce n'est que bien plus tard que l'on a inventé le support physique, auquel le droit d'auteur s'est ensuite attaché. C'est un droit qui a su évoluer, n'en déplaise à Mme Reda.