Le réquisitoire que nous venons d'entendre, complet et unanime, nous place devant nos responsabilités ; face à un tel déni démocratique, la France ne doit pas entrer dans la négociation sur la base du rapport Reda, mais lui opposer un refus clair ! À quoi sert de s'engager pour l'exception culturelle, si c'est pour adopter des règles qui lui sont aussi contraires ?
La France doit parler d'une voix forte sur ce sujet, nous devons prendre l'initiative et nous assurer que nos parlementaires européens sont bien sur cette ligne : qu'en est-il précisément ? Parce que, ici encore, à quoi servira de nous mobiliser si, au Parlement européen, nos représentants ignorent notre appel ? La désignation de Mme Reda n'est pas un pur hasard, mais une décision en connaissance de cause à un choix réfléchi.
Nous devons participer pleinement au débat, aider tout un chacun à prendre conscience que le droit d'auteur ne s'oppose pas à l'intérêt du public, à la diffusion des oeuvres, et que c'est une manipulation d'opposer les auteurs et le public.
La véritable question centrale est celle de la chaîne de valeur. Le piratage existe certes, monsieur Retailleau, mais ses effets contre les auteurs sont sans commune mesure avec les ravages que produit l'hégémonie des Google, Apple, Facebook et autres Amazon - ce sont bien les GAFA qui opposent le public et les auteurs, pour étendre leur domination du marché ! Ne nous cachons pas, non plus, le moteur qu'est l'optimisation fiscale de ces multinationales, un sujet que M. Jean-Claude Juncker connaît bien puisqu'il a négocié, comme Premier ministre luxembourgeois, un accord facilitant l'optimisation fiscale de quelque trois cents multinationales...
Nous sommes à la croisée des chemins et c'est bien un véritable choix de société que nous devons faire ; rapidement, parce que dans la société numérique, des bouleversements s'opèrent bien plus vite qu'on ne le croit !
Enfin, nous avons besoin d'outils pour renforcer l'accès à la culture, ce qui est une façon concrète de rapprocher le public des artistes. Nous manquons, en particulier, d'une plateforme publique qui puisse tenir tête à Netflix comme à Amazon : que fait France Télévisions, par exemple, et les grands opérateurs publics européens, qui ont les compétences pour mettre en place une telle plateforme ?
J'entends votre appel à la prudence, monsieur Retailleau, avant de renégocier la directive Commerce électronique : il est vrai que l'issue pourrait être pire, mais pourquoi ne pas penser surtout que nous saurons améliorer la situation en nous montrant offensifs ?