Intervention de Philippe Wahl

Commission des affaires économiques — Réunion du 25 mars 2015 à 10h00
Audition de M. Philippe Wahl président-directeur général du groupe la poste

Philippe Wahl, président du groupe La Poste :

Merci Monsieur le président. C'est toujours un honneur pour moi, en tant que président-directeur-général de cette grande entreprise publique, que de me rendre devant vous pour vous parler de son plan stratégique et de ses perspectives. Mon propos introductif sera bref. Tout d'abord, je dresserai un panorama rapide de ce qu'est le groupe La Poste aujourd'hui, avant d'évoquer nos résultats économiques et la transformation sociale dans laquelle nous sommes engagés.

Dans le monde entier, la mutation numérique est à l'origine d'un bouleversement de l'industrie postale et des modèles postaux. Des chiffres illustrent cette évolution : au Danemark, par exemple, depuis 2008, les volumes du courrier ont diminué des deux-tiers, et d'un tiers en France, soit une évolution de 18 milliards de lettres et d'objets à un peu moins de 13 milliards l'année dernière pour notre pays. Notre prévision est qu'en 2020, nous ne transporterons plus que 9 milliards de ces lettres et objets par courrier. Concomitamment, l'explosion du e-commerce conduit à l'augmentation du nombre des objets transportés. Mais l'évolution du colis ne pourra jamais en valeur compenser en chiffres d'affaires et en marges celle du courrier.

L'enjeu auquel nous sommes confrontés est assez simple : notre modèle stratégique actuel n'est plus viable. Avec mes collègues du comité exécutif de La Poste, nous avons réalisé un tour de France afin de présenter à nos cadres supérieurs, depuis Marseille jusqu'à Fort de France, les raisons pour lesquelles notre modèle stratégique n'était plus valide. Un chiffre permet d'ancrer le défi stratégique, économique et social qui est le nôtre : à prix constant du timbre, nous allons d'ici 2020 perdre plus de trois milliards d'euros de chiffre d'affaires.

Ce défi stratégique est le plus difficile auquel La Poste est confrontée depuis son origine. Certes, les activités postales ont dû intégrer par le passé des changements de mode de transport. Mais la révolution numérique implique désormais la disparition du message lui-même ! Nous sommes en divergence économique, c'est-à-dire que notre résultat d'exploitation diminue tandis que le groupe utilise sa trésorerie, qui est négative. Une telle situation s'avère extrêmement préoccupante. Le modèle n'est plus viable et il importe de le transformer profondément.

Cette mutation extrêmement profonde impliquera de gérer l'attrition de l'activité traditionnelle du courrier, le développement du colis, de l'international et de la banque, ainsi que celui de nouveaux territoires qui, contre toute attente, permettent de compenser la disparition des activités traditionnelles de La Poste. L'année 2014 traduit bien cette divergence, au sens où notre résultat d'exploitation a diminué, passant de 769 à 719 millions d'euros. Si nous avons puisé dans notre trésorerie, notre chiffre d'affaires a continué à progresser. Les activités en croissance ont, en chiffre d'affaires, plus que compensé les activités déclinantes ou en situation difficile. La traduction structurelle de ces résultats se fait cependant attendre. Lorsque les nouvelles activités permettront de compenser en résultats comme en trésorerie les activités en déclin, nous aurons changé notre modèle économique. Rendez-vous donc en 2020, car il nous faudra plus que cinq ans pour compenser les chocs répétés chaque année de la baisse du volume du courrier.

La Poste est en recul en l'année 2014, avec un résultat net d'exploitation en baisse, bien que celui-ci ait été soutenu par le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), dont notre entreprise demeure le premier bénéficiaire. Mais 2014 est aussi marquée par une bonne nouvelle : le budget de La Poste s'accroît de 100 millions d'euros, ce qui montre que le plan stratégique a produit ses premiers effets, en matière de revenus et de contrôle des coûts.

Nous sommes entrés dans une dynamique économique de croissance, et la Banque Postale est devenue notre premier métier. En effet, son résultat net est supérieur à celui de la totalité de notre groupe. En matière de financement des collectivités locales, nous avons tenus nos engagements, passés à la fin de l'année 2011 devant votre commission : la Banque Postale est devenue la troisième institution bancaire auprès des collectivités, en leur accordant, en 2014, près de 3,5 milliards d'euros de crédits à moyen et long termes et ce, en moins de deux ans. Nous sommes d'ailleurs devenus le leader auprès des plus petites communes et avons conforté notre expertise en matière de proximité et de ruralité. Votre interrogation a ainsi rejoint notre préoccupation.

Notre filiale Geopost est également en forte croissance. Elle est déjà numéro deux du colis en Europe derrière l'opérateur allemand DHL, que j'espère nous dépasserons grâce à la mise en oeuvre du plan stratégique pour 2020. Nous sommes d'ailleurs leaders en France, qui est notre marché domestique, mais aussi en Espagne, au Portugal, en Pologne depuis l'année dernière, ainsi que numéro deux en Allemagne et au Royaume-Uni. La croissance du développement international est de l'ordre de 13 % par an et bénéficie à l'activité française elle-même puisque les colis que nous collectons au niveau européen profitent aux plateformes françaises. Être plus fort en Europe permet d'attirer plus de flux pour l'ensemble des plateformes logistiques. La poste japonaise a d'ailleurs passé son premier accord international avec Geopost.

Enfin, la transformation d'une entreprise comme La Poste n'a de sens que si elle se fait pour les postiers, qui sont très engagés au quotidien dans le service public et demeurent très appréciés de nos compatriotes. Cette transformation doit être conduite avec eux : c'est pourquoi des discussions ont été engagées avec les six centrales syndicales qui sont consultées lors de cycles durant lesquels j'examine, avec chacune d'elles, le contenu du plan stratégique. Je leur ai rappelé que le modèle économique actuel n'était pas viable, et qu'il fallait le transformer.

Par ailleurs, nous avons négocié ensemble et abouti, le 5 février dernier, à la signature historique de trois accords majoritaires dans notre groupe. Ils portent, d'une part, sur l'accompagnement social induit par la mise en oeuvre du plan stratégique - celui-ci étant signé par les centrales syndicales majoritaires au sein de notre entreprise - et d'autre part, sur la classification et le complément de rémunération concernant la situation des reclassés. Ce dernier accord a été signé par la totalité des syndicats du groupe, à savoir : SUD, la CGT, la CFDT, FO, la CFTC, l'UNSAAF et la CGC. Toutes ces organisations syndicales ont signé par ailleurs l'accord sur les grilles, qui implique leur modification pour les reclassés.

Nous sommes dans une dynamique de dialogue social qui permet de faire de la pédagogie en matière stratégique et reflète notre volonté de dialogue et de contrat. Le 5 février dernier, nous sommes parvenus à un accord majoritaire avec les différentes centrales syndicales, de manière concrète.

La transformation dans laquelle nous sommes engagés représente le défi historique majeur de notre histoire, vieille de plusieurs siècles. Il nous faut transformer radicalement La Poste si nous souhaitons qu'elle poursuive son développement. Nos efforts commencent à payer ; ils sont conduits par l'ensemble des personnels du groupe, à commencer par les postiers eux-mêmes. D'ailleurs, la rationalisation des plateformes logistiques et le regroupement des sept sièges parisiens en un seul reflètent cette logique d'efficience appliquée à tous les niveaux de notre organisation. Cette transformation n'a pas d'autre sens que de servir nos millions de clients, que ce soient des particuliers, des entreprises ou des territoires, et notre pays.

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