Intervention de Philippe Wahl

Commission des affaires économiques — Réunion du 25 mars 2015 à 10h00
Audition de M. Philippe Wahl président-directeur général du groupe la poste

Philippe Wahl, président du groupe La Poste :

L'évolution à long terme du courrier amène à s'interroger sur le moment où son déclin s'arrête. Celle-ci peut être comprise de deux manières. À la lueur du pays le plus avancé dans le secteur postal que sont les États-Unis d'Amérique, précurseurs en ce domaine, la baisse du courrier est continue. Jusqu'où ira-t-elle ? Il m'est impossible d'y répondre. Je pense toutefois que dans la société numérique de demain, l'encombrement des boîtes à e-mails sera tel que ce service de remise d'un objet ou d'un message à domicile demeurera, mais devra être beaucoup plus onéreux. Si son déclin est réel, je pense ainsi que le courrier continuera d'exister, notamment via l'essor prévisible du marketing direct, qui permet de susciter l'attention de clients tendant à ne plus lire les messages électroniques.

Les Danois ont massivement redéployé leurs effectifs et fait de leur poste un moteur du changement numérique. Une telle démarche, qui vise à établir la confiance des usagers dans le numérique, devrait également nous inspirer en France.

S'agissant de la solidarité territoriale, La Poste a décidé de confirmer le maillage des 17 000 points de contact. Certes, certaines situations ne sont pas satisfaisantes et il convient de privilégier la recherche de solutions locales aux problèmes qui se posent localement. Néanmoins, la réduction des horaires dans nos points de contact est consécutive à la baisse de leur fréquentation. En outre, les transformations des bureaux de poste vont continuer, mais de nouvelles formes d'implantations de La Poste devraient prochainement intervenir en zones rurales : le facteur-guichetier, qui assurera l'ouverture d'un guichet à mi-temps afin de garder un ancrage local pour l'emploi et l'activité - leur nombre devrait atteindre le millier d'ici 2017 - et les maisons de service au public, dont l'ouverture a été décidée à l'automne dernier, lors de la réunion des présidents des commissions départementales de présence postale territoriale, afin de favoriser la mutualisation des services. De ce point de vue, les relations de La Poste avec l'Association des maires de France (AMF) demeurent essentielles. Nous avons signé début 2014 un accord tripartite impliquant également l'État. Les maisons de service au public interviennent ainsi au moment où l'ensemble des opérateurs, qu'ils soient publics ou privés, organisent la réduction de leur présence physique sur le territoire.

La Poste ne suivra pas une telle démarche et maintiendra ses 17 000 points de contact, qui représentent un coût annuel de 4,2 milliards d'euros. Nous invitons à l'inverse les opérateurs à nous rejoindre et à bénéficier de nos prestations, qui peuvent également être monétaires. La Poste peut ainsi devenir à la fois le réseau des 17 000 points de contact prévu par la loi, et le réseau secondaire de tous ces opérateurs. Notre engagement est d'ouvrir, si les relations de confiance nouées avec l'État, les collectivités territoriales et les différents opérateurs se maintiennent, 1 000 maisons de service au public d'ici la fin 2016. Car l'ouverture de ces nouvelles entités, et la mutualisation des services à laquelle elle a pour vocation de donner lieu, devraient nous permettre d'augmenter leur fréquentation. Celle-ci est nécessaire au maintien du réseau de La Poste, qui est le plus vaste de l'Union européenne. À cet égard, nous pourrions devenir, à terme, le réseau secondaire de la Mutualité sociale agricole (MSA) dans les espaces ruraux les plus isolés.

Dans nos orientations stratégiques, il est prévu que nous participions à la modernisation de l'action publique. Les facteurs, par leur mobilité, ou les guichetiers, par leur présence, peuvent contribuer à l'action publique. Ceux-ci n'ont pas vocation à faire passer le permis de conduire. Mais si le projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques est adopté, nous comptons mettre à profit l'expérience de notre filiale Mobigreen. Celle-ci a formé à la conduite écologique, facteur d'une baisse significative de la consommation de carburant, nos 90 000 facteurs, qui se sont vus remettre un certificat. Ce que nous avons fait pour nous, nous sommes bien évidemment capables de le faire pour les autres. Lorsque les ministres de l'économie et de l'intérieur nous ont interrogés, nous avons proposé notre savoir-faire pour réduire drastiquement les délais de passage de l'examen du code et, le cas échéant, pour assurer l'examen pratique. Nous disposons de l'ensemble des moyens nécessaires à la réussite de cette mission. Notre démarche, si elle venait à aboutir, permettrait de réduire les délais auxquels sont exposés les jeunes actifs et d'augmenter le chiffre d'affaires pour La Poste. Nous recherchons ainsi de nouvelles activités.

Les travaux dans le réseau rural vont continuer, en privilégiant l'accessibilité pour les handicapés et en tirant parti de l'aménagement des futures maisons de service au public.

Toute l'évolution du métier des postiers se fait en accord avec eux, puisqu'ils ont compris qu'il fallait s'adapter. Le soutien des sept syndicats représentatifs au sein de notre groupe à l'accord de février dernier est de ce point de vue essentiel, même si, çà et là certaines divergences peuvent s'exprimer.

S'agissant des compensations par l'État, La Poste assume quatre missions de service public fixées par la loi, en conformité avec la réglementation européenne. Il s'agit de l'aménagement du territoire, de l'accessibilité bancaire, du service public du transport de la presse et du service universel postal. Chacune de ces missions de service public a, en janvier 2013 et juillet 2014, fait l'objet d'une décision publique et explicite de la Commission européenne, qui en a validé la légitimité et indiqué qu'elles n'étaient pas surcompensées. Elles sont, dans les faits, sous-compensées. Ainsi, le port de la presse coûte à La Poste plus de 350 millions d'euros, en sus de la compensation de l'État. Ceci car le prix du journal ne couvre pas les frais occasionnés par son acheminement dans les zones les plus reculées. En revanche, la situation actuelle de l'accessibilité bancaire est satisfaisante et La Poste négocie avec l'État une prolongation pour les années à venir.

Concernant l'aménagement du territoire, nous bénéficions d'une compensation, que vous avez votée, d'une partie de la taxe à la valeur ajoutée (TVA). Selon l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP), elle devrait s'élever à 250 millions d'euros, alors qu'elle n'atteint que 180 millions d'euros. Aussi il est essentiel que tous les acteurs s'engagent au maintien de ce réseau postal local, car seule la fréquentation des bureaux de poste peut, à long terme, légitimer notre présence territoriale.

La régularité de la distribution du courrier est suivie chaque semaine par un institut de sondage indépendant. Les statistiques montrent que la qualité de service sur la lettre rouge est au-dessus de l'objectif qui nous est fixé - à 87 %, lorsque l'objectif de service public est à 85 % -, tandis que nous sommes tout prêts de l'objectif pour les lettres vertes. Que se passe-t-il au niveau local ? Aujourd'hui, à 14 heures, nous aurons distribué 85 millions d'objets et on ne parlera que de la petite centaine d'objets qui aura posé problème ! La différence entre la perception individuelle et les statistiques en est la cause. Les problèmes rencontrés localement doivent se résoudre au niveau local.

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