Certes, mais je vous renverrai à la proposition initiale, qui était de 11, 5 millions d'euros, contre 26, 33 millions d'euros en 2002. Si au moins notre rapport a pu servir à éviter que l'on en reste au montant initialement prévu, ce n'est déjà pas si mal. Cependant, tout cela montre qu'il n'y a pas de volonté du Gouvernement de pérenniser cet outil remarquable ! Cela est néanmoins indispensable, comme l'ont également souligné plusieurs des intervenants qui m'ont précédée. Les moyens supplémentaires qui seront consentis concernent les investissements et non l'augmentation des effectifs des personnels, pourtant bien nécessaire.
S'agissant de la création du conseil national du littoral, prévue dans le projet de loi relatif au développement des territoires ruraux actuellement en discussion au Parlement, celle-ci est destinée à concrétiser une approche partenariale entre l'Etat, les associations, les acteurs économiques et, bien entendu, les élus pour la définition et le suivi de la politique littorale. Malheureusement, on risque d'en rester une fois de plus au stade des bonnes intentions. Nous pensons pour notre part que ce conseil peut être un bon outil, à la condition qu'on lui donne les moyens de fonctionner.
Quant au thème de l'urbanisme, il me semble constituer la partie la plus délicate du rapport.
En effet, force est de reconnaître que la loi littoral a posé et pose toujours un certain nombre de problèmes insolubles dans des communes côtières. Cette situation est la conséquence, notamment, des défaillances de l'Etat depuis la promulgation de la loi littoral en 1986. Les aménagements proposés par le groupe de travail risquent de présenter les mêmes défauts que la loi initiale : imprécisions et insécurité juridique menacent d'être au rendez-vous pour les citoyens et les élus locaux. Nous avons tous compris l'intérêt de limiter, voire de proscrire, les constructions ou installations liées aux activités agricoles ou forestières de nature à porter atteinte à l'environnement et aux paysages. Il faut cependant se garder d'empêcher tout développement économique, car le littoral est et doit demeurer un lieu de vie et de travail pour nos concitoyens.
C'est dans cet état d'esprit que, voilà quelques années, j'ai essayé de contribuer à rendre compatibles le code de l'urbanisme et la loi littoral, par la défense d'un amendement adopté à l'unanimité lors de l'élaboration de la loi d'orientation agricole. Cet amendement a permis d'affirmer le rôle de la commission départementale des sites, perspectives et paysages. Cinq ans plus tard, l'usage et l'interprétation du dispositif prévu par cet amendement en font un outil pour la protection du littoral et l'évaluation des projets, nous garantissant contre le risque de dérive, au rebours des craintes de ceux qui y voyaient une victoire du lobby de l'agriculture intensive.
On constate aujourd'hui le développement viable de certaines activités compatibles avec le respect du principe de protection du littoral. Dans le domaine agricole, l'essor de l'agriculture biologique en est une illustration. Faire vivre une famille en milieu littoral grâce à une activité respectueuse de l'environnement : ne serait-ce pas là un exemple d'activité raisonnée sur lequel on devrait s'attarder ?
A cet égard, j'ai en tête le cas d'un agriculteur finistérien qui, aujourd'hui, pâtit d'une lecture très stricte du code de l'urbanisme. En quelques années, il a démontré que son exploitation agricole biologique est viable, mais on lui interdit la construction d'un hangar de stockage agricole de 150 mètres carrés au coeur de son exploitation, qui lui permettrait d'asseoir durablement son activité. La demande de permis de construire présentait pourtant un volet paysager, de manière à limiter l'impact de la construction sur le site. Puisqu'il ne s'agit pas d'une installation classée telle qu'un atelier porcin ou un élevage de volailles, ce qui soulèverait la question délicate du traitement des effluents, pourquoi ne serait-on pas en mesure aujourd'hui d'évaluer la nature réelle d'un tel projet ?
Je ne voudrais pas limiter mon propos à la seule dimension agricole, même s'il s'agit d'un sujet particulièrement sensible en Bretagne, monsieur le secrétaire d'Etat. La question de la construction d'édifices d'intérêt public, comme les stations d'épuration, les parcs de stationnement de véhicules et autres équipements nécessaires dans les zones de forte pression touristique, pourrait, pour partie, être résolue dans la concertation et la responsabilisation locales ainsi qu'en faisant appel au bon sens.
II faut offrir aux acteurs du débat sur la protection du littoral les moyens d'atteindre la maturité d'une réflexion concertée. L'Etat doit y jouer pleinement son rôle en fixant un cadre et des règles, à charge pour les échelons locaux - regroupés, pourquoi pas, au sein de schémas de cohérence territoriale - de définir une politique commune pour le littoral à travers un mode de fonctionnement et un schéma de prise de décision.
Les SCOT sont en effet un axe qui mérite examen, mais ce ne sera pas non plus l'instrument miracle qui réglera tout. Il est essentiel de souligner l'importance que devront jouer les pays « maritimes » dans la définition d'une politique commune de planification efficace et compréhensible. L'objectif est de permettre aux élus de plusieurs collectivités de travailler ensemble à la définition d'une politique commune pour le littoral, d'une politique d'aménagement du territoire, de développement économique et de soutien aux activités traditionnelles, tout en protégeant le patrimoine naturel.
Cependant, l'Etat doit assumer son rôle de vigilance, empêcher les dérives et veiller, par des mesures adaptées, à ce que l'objectif de la loi littoral - la protection de l'environnement - demeure.
L'Etat dispose pour cela de plusieurs leviers.
Il dispose tout d'abord d'un levier fiscal. Il est nécessaire de favoriser l'engagement des collectivités dans des démarches significatives de protection des territoires, au besoin par des incitations fiscales adaptées. Aujourd'hui, pour un élu, il est plus facile de laisser construire des logements, qui seront une source de revenus sous forme de taxes, alors que la protection en termes marchands « ne rapporte rien » !
Ensuite, l'Etat et ses services doivent faire preuve de pédagogie en menant une véritable action de sensibilisation et d'explication.
Enfin, l'Etat dispose de l'outil réglementaire et législatif. Qu'est-ce qu'un hameau ? Qu'est-ce qu'un village ? Les définitions sont différentes selon les régions de France. Comment définit-on les espaces remarquables et les espaces proches du rivage ? Une définition précise des notions d'urbanisation et de continuité s'impose.
Les travaux des parlementaires pointent avec acuité les lacunes et les difficultés de la loi. Ils précisent également les enjeux. Nous sommes donc en présence d'informations tangibles permettant à l'Etat d'impulser les moyens d'une politique réaliste et déterminée de protection de notre littoral en partenariat avec les habitants.
Le littoral est un lieu de vie pour tous les citoyens. Faisons en sorte qu'il s'affirme aussi comme un lieu de citoyenneté. Nous souhaitons que, d'une gestion pacifiée du littoral, découle une protection renouvelée.