Intervention de Bruno Tertrais

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 25 mars 2015 à 9h30
Iran — Audition de M. Bruno Tertrais maître de recherche à la fondation pour la recherche stratégique frs

Bruno Tertrais, maître de recherche à la Fondation pour la recherche stratégique :

L'efficacité des sanctions peut se mesurer de deux façons.

D'une part, les sanctions progressives contre le programme nucléaire et balistique iranien depuis 2006 ont eu un effet indéniable. Au demeurant, les experts qui estimaient que l'Iran pourrait devenir rapidement une puissance nucléaire ne prétendaient pas se livrer à une prédiction mais prévenir les conséquences possibles de notre inaction. L'Iran a toujours choisi de se « hâter lentement », poursuivant délibérément une stratégie de mithridatisation. L'effet des sanctions s'est également fait sentir. Par exemple, l'Iran n'a pas pu passer de la première à la deuxième génération de centrifugeuses aussi rapidement qu'il le souhaitait.

D'autre part, sur le plan économique, il est difficile de distinguer les effets des sanctions de ceux d'une gestion économique peu rigoureuse. La chute des prix du pétrole a également eu des conséquences. L'efficacité des sanctions peut néanmoins être mesurée à l'aune de critères qualitatifs, dont l'impossibilité pour l'économie iranienne d'accéder aux circuits financiers internationaux, en conséquence de sanctions informelles, qui ont eu davantage d'impact que les sanctions formelles.

La population souffre-t-elle des sanctions économiques ? Il faut rappeler que ces sanctions sont celles de l'ONU, et non des sanctions occidentales. Elles ne sont pas dirigées contre la population et leur impact s'ajoute aux effets de la mauvaise gestion économique du régime iranien.

Que cherchent les États-Unis ? Le département d'État ne ménage pas ses efforts pour engranger un succès. Je crois que la Maison Blanche a fait le choix stratégique de miser sur les Chiites, tandis que le Pentagone est davantage sur la réserve. Ce choix me semble procéder d'une certaine naïveté. La Maison Blanche s'est enfermée dans un calendrier très resserré, afin de préempter la possibilité d'une action du Congrès dans les semaines qui viennent.

Je ne crois pas que l'Iran puisse être un facteur de stabilité dans la région. Au contraire, ce pays est, depuis 1980, un facteur d'instabilité profonde.

À long terme, il est néanmoins utile de conserver des liens avec la société iranienne, notamment avec ses élites politiques et économiques qui ne sont pas au coeur du système de décision. La poursuite du dialogue est nécessaire. L'Iran n'est pas un pays ennemi mais un adversaire. Je me permettrai toutefois de souligner que la visite de délégations étrangères en Iran est parfois mal comprise ou mal interprétée par ce pays.

À ma connaissance, il n'y a pas de successeur désigné au Guide suprême. La succession pourrait être longue et le prochain Guide suprême ne sera pas nécessairement moins radical qu'Ali Khamenei. En outre, l'institution du Guide suprême n'est pas nécessairement pérenne.

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