Intervention de Nicolas Hulot

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 1er avril 2015 à 9h15
Conférence paris climat 2015 cop 21 — Audition de M. Nicolas Hulot envoyé spécial du président de la république française pour la protection de la planète

Nicolas Hulot, envoyé spécial du Président de la République française pour la protection de la planète :

Les sénateurs et les groupes d'amitié remplissent un rôle inestimable dans notre dispositif diplomatique. Qui peut rencontrer personnellement des représentants des 195 pays participant à la conférence ? Les contacts doivent être les plus larges possibles aussi bien en ce qui concerne les interlocuteurs - il convient de pas se limiter aux chefs d'État et aux ministres - que les sujets : il faut communiquer sur les solutions et les outils indispensables pour rentrer dans une économie bas carbone, par exemple sur la mise en place d'un prix du carbone. D'autres sujets que nous pourrions porter collectivement sont ceux du nécessaire basculement des 650 milliards de dollars annuels d'exonérations et subventions fiscales diverses accordées au bénéfice des énergies fossiles vers des modèles énergétiques répondant aux enjeux climatiques, ou encore de l'orientation de la commande publique, qui représente 15 à 20 % de la production mondiale, vers des producteurs respectueux des normes bas carbone.

La création d'une organisation mondiale en charge de la gestion des biens communs a été écartée à la conférence de Rio mais doit être de nouveau défendue car cette question ne peut être prise en charge efficacement au rythme de conférences lourdes et onéreuses. Votre proximité avec les élus et les citoyens est précieuse pour mobiliser la société civile sur ces enjeux supra-politiques.

La contrainte environnementale doit aussi être envisagée comme une opportunité à saisir ; elle nous offre la possibilité de nous retrouver sur ce qui nous rassemble, de faire de nos différences un atout. La famille humaine est confrontée à des problématiques complexes qui demandent moins des sacrifices qu'une vision, une détermination et une intelligence collectives.

La France est peu influente sur la question de l'Arctique car elle n'y possède aucun territoire. Michel Rocard est très engagé sur le sujet. Le thermofrost nous offre un exemple d'effet d'emballement : à mesure que la glace estivale se réduit, les rayons lumineux qu'elle réfléchissait sont absorbés par l'océan, ce qui renforce le processus de disparition des glaces et ouvre des opportunités nouvelles d'exploitations des ressources du sous-sol pour des pays comme la Russie. La tentation de la ruine s'offre alors : l'exploitation de ces ressources achèvera de dégrader l'écosystème et sera source de tensions entre États. Ce sujet central a donné lieu à des modélisations du GIEC : lorsque la température estivale redevient positive, le processus de décomposition des matériaux organiques contenus dans le sol reprend et débouche sur la libération de méthane, quarante fois plus nuisible que le gaz carbonique. Le changement climatique n'évolue pas de manière linéaire, à des phases stationnaires succèdent des périodes d'accélération. Lorsque l'océan se réchauffe, sa capacité d'absorber le gaz carbonique diminue. La prise de conscience va moins vite que les effets d'emballement.

Les conséquences du dérèglement climatique constituent l'ultime injustice dans un monde d'incompréhension mutuelle. Les phénomènes auxquels nous assistons sont la conséquence de siècles d'histoire ; les pays en voie de développement écrivent l'histoire de demain. « Quand vous ajoutez l'humiliation à l'exclusion, tout est possible », dit Patrick Viveret. Dans notre monde connecté, tout se sait : les femmes sahéliennes qui doivent marcher plusieurs kilomètres pour trouver de l'eau savent qu'elles subissent les conséquences d'un développement économique dont elles ne profitent pas. La population de Dakar s'accroît de 300 000 personnes chaque année et double tous les dix ans du fait de la désertification. Les populations chassées par le désert viennent d'abord en ville trouver refuge puis mettent le cap au Nord, vers l'Europe, dans des conditions risquées. Bien des morts du détroit de Messine trouvent leur cause lointaine dans le changement climatique... Il faut agir et organiser les transferts de technologie nécessaires au développement. Il convient aussi de réhabiliter les terres dégradées et de revoir nos politiques d'aides au développement.

Le Qatar a fait preuve de bonne volonté en accueillant la conférence de Doha. J'ai eu l'occasion de visiter des centres de recherches, notamment sur le stockage des énergies intermittentes, situés dans les pays du Golfe. Ils sont dotés de moyens très importants. Ces pays ont compris que leur intérêt est de se diversifier. Ils ne pratiquent pas l'obstruction vis-à-vis des questions environnementales.

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