En laissant le pouvoir de décision à ceux qui subissent les pressions des aménageurs, on court le risque d'accélérer l'urbanisation - j'ai vu que vous aviez bien identifié ce risque et prévu quelques filets de protection.
C'est un fait, la construction en zone littorale est plus étalée et plus individualiste que dans l'intérieur des terres, avec un phénomène d'appropriation de criques ou de chemins côtiers. Pour prévenir ce gaspillage d'espace, les experts prônent de favoriser les hébergements marchands, en gîtes ruraux notamment, créateurs d'emplois et offrant un meilleur taux d'occupation.
Pour éviter le « mitage » des côtes, on ne peut que plaider aux côtés de la DATAR pour des projets concertés d'aménagement. Je pense, par exemple, au syndicat mixte d'aménagement de la côte picarde, qui associe les communes, la région, les chasseurs et les écologistes dans la gestion d'espaces naturels et de structures touristiques respectueuses de l'environnement.
Ce n'est pas, évidemment, le seul problème que nous ayons à régler. Nous devons aussi prendre en compte l'utilisation de la mer à proximité, diminuer voire éradiquer les pollutions d'origine industrielle, urbaine, agricole, lutter contre la banalisation des milieux, notamment pour la création d'espaces de loisirs.
La qualité du littoral détermine aussi celle des milieux marins adjacents, y compris pour la ressource économique qu'ils représentent. La « mariculture », la conchyliculture, la pêche côtière dépendent étroitement de ce que nous faisons pour le littoral. Il faut accélérer, simplifier la réalisation des schémas de protection et de mise en valeur du milieu marin, et pas forcément y renoncer.
Le comité interministériel pour l'aménagement et le développement du territoire du 14 septembre dernier a décidé d'affecter 8 millions d'euros supplémentaires au budget du Conservatoire de l'espace littoral prévu pour 2005, permettant à celui-ci de retrouver le niveau financier de l'année 2000. Néanmoins, les moyens accordés au Conservatoire sont insuffisants. L'objectif du « tiers sauvage », continuellement ressassé, ne doit pas être une incantation magique mais doit devenir une réalité.
Le CIADT a renoncé à modifier la loi littoral; nous ne pouvons, dans le contexte actuel, que nous en féliciter. Mais l'annonce de modifications de la loi par quelques décrets d'application nous inquiète beaucoup. Quels nouveaux mauvais coups préparez-vous ?
Je suis surprise que vous n'ayez pas pris en compte le rapport de Louis Le Pensec, lequel avait fait de nombreuses propositions intéressantes. La France a soutenu et approuvé le programme d'action de la convention sur la diversité biologique sur les zones marines et côtières, y compris sa révision lors de la dernière conférence des parties en février dernier.
Je suis sidérée de constater que, dans la pratique, l'Etat n'en tient absolument pas compte. A quoi servent donc les engagements français sur le plan international ?
L'Union européenne s'est fixé comme objectif de stopper la diminution de la diversité biologique d'ici à 2010. Aucune des mesures annoncées ne fait référence à cet engagement, pourtant confirmé par le Président de la République. Croyez-vous que vos propositions vont permettre d'atteindre l'objectif ? Je ne le pense pas.
Je pense tout particulièrement aux départements et aux territoires d'outre-mer. Les mangroves et les récifs coralliens sont parmi les écosystèmes les plus riches de la planète. Nous avons la responsabilité particulière de préserver ces milieux sur notre territoire.
Je sais que vous aimez la mer, monsieur le secrétaire d'Etat. Ne soyez pas le premier ministre de l'histoire à affaiblir une loi qui a su résister, jusqu'à aujourd'hui, à toutes les alternances politiques et à toutes les pressions ! §