Intervention de François Pillet

Réunion du 11 avril 2015 à 10h10
Croissance activité et égalité des chances économiques — Article 12 A

Photo de François PilletFrançois Pillet, corapporteur :

Nous avons effectivement proposé la création de ce code. L’accès au droit, c’est aussi la lisibilité du droit. Or nous avons dans ce domaine un exemple de l’absence quasi totale de lisibilité du droit.

Les auteurs de l’amendement rejettent l’idée de créer un code de l’accès au droit et de l’exercice du droit en développant deux arguments.

D’une part, les textes applicables aux professions du droit seraient déjà connus et facilement accessibles. Je n’en suis pas tout à fait certain !

D’autre part, la rédaction d’un code à droit constant serait un travail long et exigeant. Il s’agit du second argument, et il est certainement recevable. La codification constitue une entreprise exigeante et rigoureuse. Toutefois, vous conviendrez avec moi que cet argument s’appliquerait aussi à tout autre travail de codification. Or ce que la commission propose, c’est une codification à droit constant.

Surtout, je me situe, et c’est toute la volonté de la commission spéciale, dans l’axe fixé par le Premier ministre, qui a déclaré, au travers d’une circulaire du 23 mars 2013 : « En permettant une présentation rationalisée, à la fois ordonnée et cohérente, de l’ensemble des dispositions juridiques concernant un secteur, la codification constitue un moyen essentiel d’améliorer l’accessibilité et l’intelligibilité du droit. Elle représente un enjeu de simplification administrative important pour nos concitoyens, qui peuvent appréhender une réglementation dans un code plus commodément qu’en présence de textes épars ».

« Elle est également un facteur significatif d’attractivité pour notre pays, dans la mesure où elle favorise la lisibilité du droit français pour les entreprises comme pour les autres investisseurs ». Autant dire que le jeu en vaut la chandelle, me semble-t-il.

J’avoue que je partage entièrement l’opinion du Premier ministre sur ce point ! À titre personnel, je souhaiterais qu’il existe un texte supérieur posant que toute loi ou toute norme ne peut recevoir application que lorsqu’elle est codifiée, car cela réglerait le problème.

L’autre argument opposé par les auteurs de cet amendement de suppression est que les règles applicables aux professions juridiques et judiciaires réglementées sont suffisamment claires, disponibles et lisibles.

Mes chers collègues, je veux tout de même vous rappeler que nous trouvons encore des textes applicables datant de 1816 ou de 1817, ainsi que l’ordonnance de 1945 et, tenez-vous bien, la loi du 25 ventôse an XI. Ce corpus juridique est certainement facilement accessible, mais à la condition de pratiquer l’archéologie du droit !

De plus, le vocabulaire de certains textes date et renvoie à des concepts qui n’existent plus depuis plusieurs dizaines d’années. Il est encore fait mention, dans les textes actuels, des avoués des tribunaux de grande instance, dont il est vraisemblable qu’il n’en reste même plus un vivant aujourd’hui... Il est également fait mention de l’aide judiciaire, alors qu’on ne parle plus d’aide judiciaire, mais d’aide juridictionnelle ou d’aide juridique.

Enfin, et surtout, on voit bien que les différentes professions partagent des régimes communs. Je trouve qu’il est dommage de ne pas mettre en relief ce qui les rapproche et ce qui les distingue. Nous aurions l’occasion, avec ce code, d’œuvrer en ce sens.

J’ajouterai pour terminer trois observations.

La première concerne le présent texte. Le Gouvernement propose de soumettre les différentes professions à des règles identiques, s’agissant des tarifs, de l’installation, de la limite d’âge ou du salariat. Il a estimé que la proximité des déontologies des différentes professions pouvait tout à fait justifier que la prise de participation majoritaire de l’une d’entre elles au capital de sociétés relevant d’une autre profession juridique soit possible. Le code pourrait être le support de ces régimes communs défendus par le Gouvernement.

Ma deuxième observation vise certaines malfaçons législatives. À l’article 41 du texte que nous examinons, nous corrigeons un oubli du législateur, qui n’a pas étendu aux conseillers en propriété industrielle les possibilités de sollicitation personnalisée ouverte aux avocats par la loi de consommation. Comment cet oubli peut-il s’expliquer, alors que ces deux professions sont très proches, si ce n’est par le manque de clarté et d’unité des textes qui les régissent ?

J’en viens à ma troisième observation. À l’Assemblée nationale, le Gouvernement a indiqué que l’insertion des dispositions tarifaires dans le code de commerce lui semblait justifiée par le fait que celles des administrateurs et des mandataires judiciaires s’y trouvaient déjà.

L’argument est très discutable. En effet, la seule raison pour laquelle ces tarifs se trouvent dans le code de commerce, c’est que ce dernier définit les régimes des procédures collectives. Les tarifs des administrateurs et des mandataires judiciaires ne s’y trouvent que par raccord.

Enfin, ce code présenterait l’avantage de mettre fin aux débats du type de ceux qui vont nous occuper tout à l’heure, pour savoir si tel point doit figurer dans le code de commerce, dans le code de procédure civile ou dans le code civil.

Voilà donc une œuvre qui, certes, demande du travail – je veux bien l'admettre –, mais qui relève de notre domaine et de notre responsabilité.

Je note d’ailleurs que M. le ministre avait proposé un amendement similaire. Toutefois, comme il fréquente le Sénat depuis quelques jours, la sagesse de notre assemblée l’a complètement imprégné et il y a renoncé !

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