Toutefois, de grâce, que l’on ne vienne pas nous dire que nous défendons la rente ! Non seulement ce projet de loi ne créera aucun emploi et aucune croissance, mais, en plus, il aboutira in fine à une remise en cause du maillage territorial, avec le risque de créer des zones de concentration d’offices et des déserts juridiques.
Ces mesures portent atteinte à l’égalité d’accès de tous les citoyens à la justice en instaurant des tarifs différenciés. Il est important ici de rappeler que la justice et le droit ne peuvent être abordés sous un angle uniquement économique et que l’accès de tous au droit et à la sécurité juridique prime sur la rentabilité et la compétitivité. Marier le droit et le marché nous paraît quelque peu scabreux – c'est un peu comme marier la carpe et le lapin !
Certes, le projet de loi initial a été modifié et encadré, en partie à l’Assemblée nationale et au Sénat, mais il continue de s’appuyer sur les mêmes principes, qui restent tout autant critiquables.
Le premier principe est la déréglementation des tarifs et la création de seuils entre lesquels des négociations entre parties sont possibles, faisant primer la loi du fort au détriment de l’intérêt général.
Le deuxième principe est l’intrusion de l’Autorité de la concurrence dans la détermination de la politique tarifaire et des zones d’implantation, alors même que cette instance n’a pour but que d’étendre le dogme de l’autorégulation et du marché.
Le troisième principe est la liberté d’installation et la suppression du contrôle de l’État dans des zones où les professionnels sont jugés trop peu nombreux.
Enfin, le projet de loi s'appuie encore sur l’élargissement de la territorialité de la postulation des avocats du tribunal de grande instance à la cour d’appel, avec l’éloignement des avocats des citoyens.
Alors que rien ne permet d’affirmer qu’elles se traduiront par des créations d’emplois, les mesures concernant les professions réglementées poursuivent le travail d’ouverture débridée à la concurrence du marché du droit et ne règlent en rien le problème de l’accès à ce droit. Ce texte risque donc de faire disparaitre des milliers de ces professionnels délégataires d’une mission de service public au profit d’une grande profession du droit – d’inspiration anglo-saxonne, d’une certaine manière – dont le capital sera ouvert à tous et qui sera concentrée dans de grands cabinets aux abords des grandes villes.
Les usagers seront alors confrontés à une sorte de braderie de leur sécurité juridique, au profit de sociétés privatisées dont le moteur essentiel est la profitabilité. Voilà la philosophie portée par ces articles, et nous ne pouvons que nous y opposer fermement.