Intervention de Christian Favier

Réunion du 11 avril 2015 à 10h10
Croissance activité et égalité des chances économiques — Article 12

Photo de Christian FavierChristian Favier :

L’idée que les conditions dans lesquelles exercent les professions réglementées sont infraéconomiques n’est pas nouvelle. En 2011, déjà, sous la présidence de Nicolas Sarkozy, la loi de modernisation des professions judiciaires et juridiques réglementées la reprenait, et nous la contestions, comme nous le faisons aujourd'hui.

Pour nous, le droit, qui n’est pas une banale marchandise, ne peut être soumis à la loi du marché. Le considérer ainsi serait une faute politique et un coup porté à la notion même de service public. Le choix fait par le Gouvernement de réformer les professions judiciaires réglementées par le biais d’un texte émanant du ministre de l’économie est non de la garde des sceaux est révélateur de la place accordée aujourd'hui au service public national de la justice.

Cet amendement vise donc à supprimer l’article 12. À notre sens, la fin des services réglementés par l’État pour les professions de commissaire-priseur judiciaire, de greffier des tribunaux de commerce, d’huissier de justice, d’administrateur judiciaire, de mandataire judiciaire et de notaire ne traduit qu’une libéralisation et une mise en concurrence de ces professionnels.

Cette mise en concurrence, opérée par les prix, n’est finalement qu’une atteinte grave portée au service public, les professions concernées étant dépositaires d’une mission de service public.

La notion même de concurrence ne saurait s’appliquer à cette profession, qui travaille bien souvent de concert en s’associant ponctuellement selon les dossiers. Outre une déréglementation, l’article 12 du projet de loi, en accord sur le fond avec les rapports Darrois et Attali, vise à établir que la tarification des professions réglementées doit se faire en fonction des coûts réels.

Or, comme le soulignent des organisations de professionnels, les tarifs des actes relevant de l’accès à la justice sont aujourd'hui inférieurs aux coûts de leur production. L’adoption d’une telle mesure impliquerait donc une hausse des tarifs sur une partie non négligeable des prestations. Par ailleurs, les professions réglementées ne pratiqueraient pas les mêmes tarifs selon leur localisation géographique, les taxes locales et les loyers étant compris dans les coûts.

Cette remise en cause du maillage territorial des services publics et de l’égalité d’accès au droit ne peut évidemment qu’être condamnée.

Enfin, proposer une tarification en fonction des coûts ne peut en aucun cas favoriser une baisse des prix des actes pour les usagers. En effet, la tarification que vous nous proposez aujourd'hui est constituée du recouvrement des coûts, mais implique nécessairement une marge, mentionnée à l’alinéa 3. Ainsi, le professionnel n’a aucune raison de « se serrer la ceinture ».

Pour l’ensemble de ces raisons, nous vous invitons, mes chers collègues, à soutenir cet amendement de suppression de l’article 12.

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