Intervention de François Zocchetto

Réunion du 22 novembre 2005 à 16h10
Traitement de la récidive des infractions pénales — Adoption des conclusions du rapport d'une commission mixte paritaire

Photo de François ZocchettoFrançois Zocchetto, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire :

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la commission mixte paritaire, qui s'est réunie le mercredi 9 novembre dernier, est parvenue à un accord. Ce dernier apparaît comme l'aboutissement fructueux du travail de rapprochement engagé, en deuxième lecture, par les deux assemblées dont les positions sur cette proposition de loi avaient, en effet, beaucoup divergé lors de la première lecture.

Il faut le souligner une nouvelle fois, les députés ont tenu compte pour une large part, en deuxième lecture, des observations du Sénat. Ainsi, l'Assemblée nationale n'a maintenu en l'état aucune des dispositions auxquelles le Sénat s'était opposé.

En outre, elle a suivi la Haute Assemblée sur plusieurs points importants. Elle a ainsi renoncé à intégrer les irresponsables pénaux dans le fichier des délinquants sexuels et, surtout, elle n'a pas repris à son compte le dispositif tendant à faire du bracelet électronique mobile une mesure de sûreté autonome applicable après l'exécution de la peine.

De son côté, le Sénat a adopté, en deuxième lecture, dans les mêmes termes que l'Assemblée nationale, la moitié des trente-quatre articles du texte transmis par l'Assemblée nationale, dont vingt et un constituaient, il est vrai, de nouvelles dispositions, plusieurs modifications présentant, quant à elles, un caractère rédactionnel.

Au-delà de ces modifications rédactionnelles, la commission mixte paritaire avait pour enjeu principal la définition, conformément au voeu du Sénat, d'un cadre juridique réaliste, efficace et rigoureux pour le placement sous surveillance électronique mobile.

La Haute Assemblée était attachée, en second lieu, à préserver la cohérence et la stabilité de notre droit pénal. Enfin, le Sénat souhaitait également mieux encadrer le contenu et l'utilisation des fichiers concernant les crimes en série.

S'agissant du bracelet électronique mobile, je voudrais dire que, malgré les indéniables améliorations apportées au régime juridique applicable à cette mesure par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, il était essentiel que puissent être mieux pris en compte les enseignements du rapport très approfondi sur ce sujet dont le Gouvernement avait confié la rédaction au député Georges Fenech.

Le Sénat avait souhaité, d'une part, poser le principe du consentement de l'intéressé à la pose du bracelet électronique mobile, et, d'autre part, mieux encadrer la durée du placement. La commission mixte paritaire a suivi la Haute Assemblée sur ces deux points essentiels.

La durée initiale du placement a été fixée, en effet, à deux ans au maximum, avec un renouvellement possible en matière correctionnelle et deux en matière criminelle, cette disposition donnant satisfaction aux députés.

Par ailleurs, le seuil de la peine d'emprisonnement prononcée requis pour appliquer le bracelet électronique mobile a été ramené à sept ans, afin de viser, en pratique, les condamnations infligées en cas de viol, conformément à la jurisprudence habituelle des tribunaux. Enfin, comme le souhaitait le Sénat, les mineurs ont été explicitement exclus du dispositif.

Ainsi, ce dispositif est mieux encadré, et son application immédiate ne sera possible que dans le cadre de la surveillance judiciaire, ce qui nous semble très positif, car cette période correspond à la durée des crédits de réduction de peine.

Par ailleurs, s'agissant de la cohérence et de la stabilité des règles de notre droit pénal, le Sénat avait émis des réserves sur cinq dispositions adoptées par les députés.

Notre première réticence portait sur la restriction du crédit de réduction de peine applicable aux récidivistes. Le Sénat avait jugé, en première et en deuxième lecture, que les récidivistes encouraient déjà, en principe, le doublement de leur peine. Afin de garantir la meilleure lisibilité possible, le Sénat souhaitait ne pas modifier davantage le dispositif de crédits de réduction de peine, dont il faut reconnaître qu'il a perturbé le système.

En fin de compte, la commission mixte paritaire est convenue de se rallier à la position de l'Assemblée nationale, dès lors que le crédit de réduction de peine ne sera pas réduit lorsque le délinquant acceptera une libération conditionnelle. En effet, nous accordons une grande importance à la libération conditionnelle comme facteur de limitation de la récidive, tout comme M. le garde des sceaux, me semble-t-il.

Le Sénat était aussi réservé sur le mandat de dépôt à l'audience. Nous étions très réticents - c'est un euphémisme - à l'idée de laisser la détention devenir la règle, et la liberté l'exception. Mais, à l'examen, il est apparu que seules les infractions les plus graves se trouvaient concernées. Finalement, la commission mixte paritaire a retenu le texte de l'Assemblée nationale en relevant qu'il appartiendrait au Conseil constitutionnel, le cas échéant, de trancher les divergences d'appréciation sur cette question.

S'agissant de la suspension de peine pour raison médicale, la commission mixte paritaire a suivi le Sénat en excluant le « trouble exceptionnel à l'ordre public » des motifs susceptibles d'être invoqués par le juge pour s'opposer à cette mesure. La commission mixte paritaire a adopté la position que nous défendions depuis déjà plusieurs mois au sein du Sénat, position qui consistait à estimer que cette suspension pouvait être refusée seulement en cas de « risque grave de renouvellement de l'infraction ».

Concernant la période de sûreté, la commission mixte paritaire a adopté la position du Sénat.

Enfin, s'agissant de la prolongation de la détention provisoire d'un mineur au-delà de deux ans, la commission mixte paritaire a également suivi l'avis du Sénat, qui ne souhaitait pas donner aux magistrats instructeurs des arguments pour allonger leurs instructions, a fortiori quand celles-ci concernent des mineurs placés en détention provisoire.

La question des fichiers relatifs aux crimes en série, quant à elle, a pris de plus en plus d'importance au fur et à mesure de l'avancement de la discussion. En deuxième lecture - mais il est vrai qu'il n'avait pas eu à se prononcer auparavant sur cette question -, le Sénat avait décidé de supprimer deux des quatre catégories de personnes appelées à figurer dans ces fichiers.

Tout d'abord, et contre l'avis de sa commission des lois, la Haute Assemblée avait décidé de supprimer du fichier les personnes à l'encontre desquelles il existe des raisons plausibles de les soupçonner d'avoir commis l'infraction. Si la commission mixte paritaire avait suivi le Sénat, elle aurait probablement privé de tout intérêt cet aspect de la proposition de loi. C'est pourquoi elle a rétabli le texte voté par l'Assemblée nationale.

Le Sénat avait également refusé d'inscrire sur ces fichiers les personnes dont rien ne laisse soupçonner qu'elles ont commis une infraction, mais dont le nom figure dans la procédure et qui sont susceptibles d'apporter des éléments utiles à l'enquête.

Après une longue discussion et une nouvelle consultation des représentants avisés de la commission nationale de l'informatique et des libertés, la CNIL, la commission mixte paritaire a décidé de ne viser que les témoins, à l'exclusion, en particulier, des avocats ou des experts que la rédaction initiale pouvait également inclure.

Par ailleurs, le Sénat avait prévu de donner au procureur de la République la faculté de rectifier ou d'effacer les données relatives à toutes les personnes figurant dans les fichiers. En outre, il avait renvoyé la détermination de la durée de conservation de ces informations, initialement fixée à quarante ans, ce qui est beaucoup pour un fichier informatique, à un décret d'application, afin de permettre à la CNIL d'exercer son contrôle. Ces deux dispositions proposées par le Sénat, qui représentent des garanties importantes, ont été retenues par la commission mixte paritaire.

Enfin, la commission mixte paritaire a encore adopté les trois dispositions concernant les avocats, introduites par le Sénat en deuxième lecture et relatives respectivement à l'incrimination du délit de divulgation d'informations issues d'une procédure pénale, aux conditions de perquisition des cabinets et à l'interception des correspondances.

Mes chers collègues, le texte proposé répond ainsi très largement aux souhaits du Sénat. Il fixe un cadre plus efficace pour lutter contre la récidive. L'initiative prise par l'Assemblée nationale à travers une mission d'information, relayée ensuite par une proposition de loi, se trouve donc satisfaite par ce texte que je vous invite à adopter, tel qu'il a été élaboré par la commission mixte paritaire.

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