Intervention de Pascal Clément

Réunion du 22 novembre 2005 à 16h10
Traitement de la récidive des infractions pénales — Adoption des conclusions du rapport d'une commission mixte paritaire

Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice :

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, vous vous en doutez, ce moment est pour moi important ; il l'est à deux égards.

Tout d'abord, il est important en raison du contenu et de la portée de ce texte, qui permet d'apporter des réponses concrètes aux différentes formes de récidive, que celle-ci concerne les délinquants d'habitude ou les criminels les plus dangereux.

Ensuite, il est important en raison de l'accord intervenu entre les deux assemblées, illustrant la volonté des députés et des sénateurs de parvenir à une position commune sur la question grave et complexe de la récidive.

Je ne peux donc que me réjouir du consensus auquel la commission mixte paritaire est parvenue, en soulignant que cet accord doit beaucoup à l'excellente qualité du travail de MM. Jean-Jacques Hyest et François Zocchetto, respectivement président et rapporteur de la commission des lois, que je tiens publiquement et sincèrement à remercier de leur engagement dans ce dossier et de leur compétence.

Certes, de nombreux points avaient déjà fait l'objet d'un accord entre les deux assemblées. Sans être exhaustif, nous pouvons citer plusieurs dispositions, qui tendent à aggraver de façon mesurée la répression de la récidive : l'extension des délits assimilés au regard de la récidive, qui comprennent désormais la traite des êtres humains, le proxénétisme, les violences et les délits avec la circonstance aggravante de violences ; la prise en compte pour la récidive des condamnations étrangères prononcées dans les États de l'Union européenne ; la consécration législative de la notion de réitération d'infraction ; la limitation du nombre des sursis avec mise à l'épreuve pouvant être accordés à un récidiviste ; la possibilité pour le tribunal de relever d'office l'état de récidive ; l'allongement du délai d'admissibilité à la libération conditionnelle pour les récidivistes condamnés aux peines criminelles les plus graves.

Parmi les dispositions qui améliorent le suivi des délinquants et des criminels après leur libération, j'évoquerai tout particulièrement les modifications des conditions de mise en oeuvre du suivi socio-judiciaire, dont le champ d'application est étendu à de nouvelles infractions, l'extension et l'amélioration du fonctionnement du fichier des auteurs d'infractions sexuelles, l'augmentation de la durée des emprisonnements assortis d'un sursis avec mise à l'épreuve, ainsi que de celle de l'épreuve, s'il s'agit d'un récidiviste, et, enfin, l'incitation des condamnés détenus à suivre un traitement en prison, par le biais notamment de réductions de peines.

Je tiens à souligner que les mesures les plus importantes de la proposition de loi, celles qui instituent le placement sous surveillance électronique mobile et celles qui créent la surveillance judiciaire, avaient fait l'objet d'un accord de principe entre les deux chambres. Les divergences ne portaient que sur les modalités de mise en oeuvre de ces nouvelles dispositions.

J'en viens maintenant à ces différences d'appréciation, qui ont été levées par la commission mixte paritaire.

D'une manière générale, je constate que les objections formulées par le Sénat contre certaines dispositions adoptées par l'Assemblée nationale ont très souvent conduit le Parlement et le Gouvernement à approfondir leur réflexion et à améliorer sensiblement le texte de la proposition de loi.

S'agissant des dernières divergences de vue soumises à l'appréciation de la commission mixte paritaire, force est de constater que les objections les plus pertinentes du Sénat ont toutes été retenues.

Je me félicite ainsi que la commission mixte paritaire ait choisi, comme le proposait le Sénat, de restreindre la limitation des suspensions de peine pour raisons médicales aux seules hypothèses, par définition exceptionnelles, de risque de renouvellement de l'infraction.

Je me félicite également qu'ait été retenue la disposition tendant à la diminution du crédit de réduction de peine pour les récidivistes. Il s'agit en effet d'une des mesures essentielles du texte, qui montre clairement la plus grande sévérité de notre droit à l'égard des récidivistes. Ceux qui font preuve d'une réelle volonté de réinsertion ne seront pas pénalisés, puisque cette disposition n'est pas applicable en cas de libération conditionnelle. J'espère que chacun aura compris cette importante distinction.

Je me félicite aussi que la commission mixte paritaire ait accepté les dispositions prévoyant que, sauf en cas de décision motivée de la juridiction, le récidiviste auteur de délits violents ou de nature sexuelle et condamné à une peine d'emprisonnement ferme fera l'objet d'un mandat de dépôt à l'audience. Il s'agit en effet d'un texte qui est équilibré, le tribunal gardant in fine sa liberté d'appréciation, et qui permet de mieux assurer l'effectivité des peines.

S'agissant des fichiers d'analyse criminelle, qui pourront contenir des informations sur des témoins, mais sous le strict contrôle des autorités judiciaires, le texte retenu me paraît également satisfaisant.

Je pense enfin qu'il était plus sage, comme le souhaitait d'ailleurs le Sénat, de ne pas retenir deux dispositions dont l'utilité n'était pas évidente : celle qui faisait passer de vingt-deux à vingt-cinq ans la durée de la période de sûreté et celle qui prévoyait l'incarcération de jeunes majeurs en centres éducatifs fermés après l'expiration des délais de détention provisoire.

S'agissant en dernier lieu des dispositions relatives au placement sous surveillance électronique mobile et à la surveillance judiciaire, les solutions retenues par la commission mixte paritaire sont tout à fait pertinentes et parviennent à établir un équilibre harmonieux entre les exigences de la répression et le respect de la dignité de la personne.

Ainsi, le principe, voulu par le Sénat, du consentement de la personne à la mise en oeuvre de ces mesures - mais non à leur prononcé - est clairement affirmé par le texte, même si celui-ci rappelle une évidence, puisque, dans les faits, le port du bracelet doit être accepté par l'intéressé.

La surveillance électronique mobile ne pourra être prononcée à titre de peine qu'en cas de condamnation à au moins sept ans d'emprisonnement, alors que le Sénat avait fixé ce quantum à dix ans, et l'Assemblée nationale à cinq. Une moyenne a ainsi été trouvée.

La durée maximale du placement sera de deux ans, renouvelables une fois en matière correctionnelle et deux fois en matière criminelle.

Ces mesures pourront être immédiatement mises en oeuvre pour les condamnations en cours d'exécution, dans le cadre de la surveillance judiciaire, car il s'agira là d'une modalité d'application d'une peine déjà prononcée.

Enfin, je me félicite de l'adoption par la commission mixte paritaire des dispositions, issues d'amendements présentés par votre rapporteur, qui renforcent la protection des droits de la défense. Elles définissent de façon plus précise le délit de révélation des éléments d'une procédure pénale et améliorent les mesures relatives aux perquisitions et aux écoutes téléphoniques dont peuvent faire l'objet des avocats.

Comme vous le voyez, le texte élaboré par la commission mixte paritaire, que vous allez sans doute adopter, comporte de nombreuses dispositions d'importance, qui améliorent significativement le traitement de la récidive.

Je veux à nouveau remercier le Sénat de la particulière qualité des débats intervenus en première et en deuxième lecture, qui ont permis d'améliorer sensiblement ce texte.

D'une manière générale, la proposition de loi apporte, de façon cohérente et pragmatique, des réponses qui sont à la fois fermes et mesurées, pour réprimer et prévenir au mieux la récidive, tout spécialement lorsqu'il s'agit de crimes odieux.

C'est une loi qui sera utile pour les victimes, pour les condamnés et pour la société. C'est une loi qui sera utile à la justice.

Je vous demande en conséquence, mesdames, messieurs les sénateurs, de bien vouloir adopter les conclusions de la commission mixte paritaire.

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