Intervention de Robert Bret

Réunion du 22 novembre 2005 à 16h10
Traitement de la récidive des infractions pénales — Adoption des conclusions du rapport d'une commission mixte paritaire

Photo de Robert BretRobert Bret :

... car il met en relief la disproportion manifeste qui existe entre les propositions de la majorité contenues dans ce texte, et ce qui s'avèrerait être du domaine du raisonnable.

C'est pourquoi, contrairement à ce qu'a dit le président de la commission des lois lors de la commission mixte paritaire, nous pensons que les recommandations du rapport Fenech n'ont pas été prises en compte à l'occasion de la deuxième lecture. Le rapport Fenech est clair et sans ambiguïté sur ce point : il insiste sur le fait que le placement sous surveillance électronique mobile ne devrait pas excéder quatre ou cinq mois.

Pourtant, l'excès était de mise en première lecture : la majorité avait prévu que ce placement pouvait être de trente ans en matière criminelle et vingt ans en matière délictuelle.

La suppression par le Sénat des dispositions relatives au placement sous surveillance électronique mobile et les conclusions du rapport Fenech n'ont pas totalement calmé nos collègues députés. Le temps de placement prévu en deuxième lecture par l'Assemblée nationale était encore de dix ans maximum, puisque la durée de l'application de la mesure était de cinq ans renouvelables une fois, en matière criminelle, et de trois ans renouvelables, en matière délictuelle.

Bien que le Sénat ait ramené cette durée à quatre ans maximum - deux ans renouvelables une fois -, la commission mixte paritaire en a encore décidé autrement : désormais, la durée du placement pourra être de quatre ans maximum, en matière délictuelle, et de six ans maximum, en matière criminelle. Cette durée est encore bien supérieure au bilan établi dans le rapport Fenech.

Enfin, pour conclure sur le bracelet électronique mobile, nous maintenons, monsieur le garde des sceaux, que ce dispositif s'apparente bien à une peine, compte tenu de la durée de placement et de la contrainte physique et morale pour la personne qui le portera.

À ce titre, nous ne pouvons admettre son application immédiate aux détenus condamnés à un moment où cette peine n'était pas encourue. C'est manifestement contraire au principe constitutionnel de non-rétroactivité de la loi pénale répressive, et nous regrettons que le Sénat ait finalement cédé en commission mixte paritaire devant l'Assemblée nationale, alors que la suppression de l'article 16 A avait été votée par les sénateurs.

À nos yeux, le suivi socio-judiciaire est le meilleur dispositif à utiliser afin de prévenir au mieux la récidive chez les délinquants sexuels et dangereux. Mais s'il est aujourd'hui insuffisamment appliqué, monsieur le garde des sceaux, c'est en raison du manque criant de moyens nécessaires à sa mise en oeuvre.

Au lieu de renforcer les crédits des services pénitentiaires d'insertion et de probation, d'augmenter le nombre de médecins psychiatres ou de travailleurs sociaux, le Gouvernement préfère engager des dépenses dans un dispositif technique très critiquable, qui ne remplacera jamais l'accompagnement humain et personnalisé.

D'ailleurs, nous nous interrogeons sur le financement du bracelet électronique, surtout lorsque nous vous entendons dire, monsieur le garde des sceaux, que vous vous « débrouillerez » pour le financer ! Nous ne pouvons que dénoncer des choix budgétaires contraires aux priorités en matière de suivi des détenus et de conditions de détention.

Enfin, nous regrettons également que le Sénat ait encore cédé en commission mixte paritaire sur l'article 15 quater A, qui prévoit l'éloignement du conjoint du domicile conjugal en cas de violences au sein du couple.

Nous avions demandé la suppression de cet article et nous l'avions obtenu. Il a pourtant été réintroduit à l'issue des travaux de la commission mixte paritaire dans le texte final.

En effet, cet article était, pour le Gouvernement, un prétexte pour ne jamais inscrire à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale la proposition de loi renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple, pourtant adoptée en mars dernier par le Sénat.

La décision de maintenir cet article dans la proposition de loi est donc fortement regrettable, d'autant qu'il n'y a pas sa place.

Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, nous nous opposons à ce texte démagogique, opportuniste et dangereux.

La priorité, une fois encore, a été donnée à l'allongement des peines et à l'incarcération, qui est censée prévenir la récidive. Cette politique devient la règle. Cependant, ne vous y trompez pas, monsieur le garde des sceaux, vos choix auront fatalement de graves conséquences, notamment sur le nombre des détenus et sur l'aggravation des conditions carcérales. Or tant que la surpopulation carcérale existera, toutes les conditions seront réunies pour favoriser la récidive.

Ce texte de circonstance est donc loin de régler le problème de la récidive. C'est la raison pour laquelle nous voterons résolument contre les conclusions de la commission mixte paritaire.

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