Dans le cadre de l'extension du programme d'achats d'actifs lancé en janvier 2015, il a été annoncé que seraient ainsi acquis 60 milliards d'euros d'actifs par mois, correspondant notamment à des obligations souveraines. Cette annonce a été assez largement anticipée et fait suite à une politique monétaire déjà très active, avec des opérations de refinancement ciblées sur le crédit bancaire et des programmes d'achats de titres adossés aux actifs bancaires.
Par ce programme, la BCE n'intervient pas en situation d'urgence, afin de répondre aux dysfonctionnements du marché ou comme ce fut le cas lors de la crise des dettes souveraines ; son intervention vise à accompagner la relance en s'inscrivant dans le moyen terme. Le cadre conceptuel de cette action a été essentiellement développé aux États-Unis, avec un débat universitaire très actif au cours de cinq dernières années sur la trappe à liquidité. La question était alors de savoir comment les banques centrales pouvaient relancer l'économie une fois que leurs marges de manoeuvre classiques devenaient inopérantes avec des taux nominaux nuls.
La BCE a ainsi été amenée à agir face au spectre de la déflation. Dans un contexte où les taux directeurs sont quasi nuls, la banque centrale ne dispose plus des leviers nécessaires pour lutter contre la déflation ; aussi le recul des anticipations d'inflation faisait craindre l'enclenchement d'une spirale déflationniste.
La BCE avait également constaté une perte du canal de transmission de sa politique par les banques, les outils qu'elle avait précédemment développés peinant à se traduire concrètement par l'octroi de prêts aux petites et moyennes entreprises, en particulier dans les pays périphériques de la zone euro.
S'agissant des effets positifs potentiels du programme de la BCE, il convient tout d'abord de préciser qu'il n'est pas possible d'identifier l'impact total des décisions prises par une approche scientifique simple, reposant sur une analyse de la situation antérieure et postérieure, dans la mesure où elles ont été très largement anticipées par le marché. En lissant les effets de son action, la Banque centrale européenne évite de surprendre le marché, étant entendu qu'elle est finalement allée un peu plus loin que ce qui était attendu.
Ensuite, il ne se dégage pas de consensus académique sur l'efficacité de ce type d'action, le débat universitaire n'est pas clos sur ce sujet. On constate toutefois que l'annonce de la BCE a conduit à une légère baisse des taux à dix ans dans l'ensemble des pays européens et donné un signal fort selon lequel la banque centrale prenait très au sérieux sa cible d'inflation. Par ailleurs, elle a conduit à une réallocation des portefeuilles, afin de pousser les banques et les autres investisseurs vers des portefeuilles d'actifs plus risqués et stimuler ainsi la distribution de crédits. Enfin, elle a eu un effet massif sur le taux de change, sans que cela ne constitue un objectif explicite de la banque centrale.
Les économistes considèrent qu'il aurait probablement été catastrophique que la BCE ne se lance pas dans ce programme, qu'elle n'avait finalement pas le choix. Il convient également de se méfier des comparaisons avec les États-Unis dont le système de financement est très différent. L'Europe est davantage dépendante des banques. Aux États-Unis, doper les prix des obligations conduisait à donner des incitations à émettre, favorisant ainsi les PME. En outre, les taux d'intérêt étaient plus élevés qu'en Europe.
S'agissant des effets négatifs potentiels de la politique développée par la BCE, figure, tout d'abord, le risque inconsidéré susceptible d'être pris par les acteurs financiers, qui recherchent des taux positifs « à tout prix », par exemple dans le secteur de l'assurance-vie allemande. Bien évidemment, l'apparition d'une bulle immobilière est possible, dans la mesure où les prix sur le marché immobilier devraient réagir à la politique monétaire qui est actuellement menée.
Enfin, cette politique monétaire de la BCE peut réduire les incitations à la vertu budgétaire des gouvernements, compte tenu de la faiblesse des taux d'intérêt. La BCE considère, pour sa part, que sa politique est aussi susceptible de favoriser la réalisation de réformes structurelles par les États. Au-delà du rôle de « morphine » des mesures prises par la BCE, celles-ci offrent ainsi les conditions pour opérer les réformes à moyen terme.