Dans ce cas il s'agirait d'un financement indirect, la BCE pouvant acheter des titres sur le marché secondaire et permettre ainsi de faire baisser le coût de financement de la BEI. Je rappelle que s'agissant des dettes publiques, les obligations vendues sur le marché secondaire ont les mêmes caractéristiques que celles émises sur le marché primaire, seule leur maturité change.
S'agissant de la question de Richard Yung, j'aimerais ajouter que la contrepartie de la politique d'achats menée par la BCE, c'est l'augmentation des réserves excédentaires des banques commerciales auprès de l'Eurosystème. Il s'agit d'un effet mécanique, et il ne faudrait pas déduire du gonflement de ces dépôts que les banques n'utilisent pas la monnaie créée par la banque centrale. Ainsi, un investisseur qui vend 100 à la BCE en titres, va ensuite déposer 100 auprès de sa banque qui va par conséquent se retrouver avec un dépôt excédentaire sur lequel elle sera « taxée » à raison de - 20 points de base, soit du taux de rémunération des dépôts. Ainsi, bien qu'il y ait un gonflement de la base monétaire qui ne s'accompagne pas en parallèle d'un gonflement de la masse monétaire, cela ne signifie pas que les banques ne font pas leur travail. Aux États-Unis, il existe des réserves excédentaires colossales qui perdureront tant que la Fed ne vendra pas les titres qui sont à l'actif dans son bilan.
Sur la question des réformes structurelles, il faut avoir en tête que, sur le moyen ou long terme, la consommation est plutôt une résultante de la croissance et non l'inverse, sinon la France serait la championne de la croissance ! Je vous rappelle que dans la zone euro, sur les quinze dernières années, c'est en France que le revenu disponible des ménages et que la consommation en volume a le plus augmenté. Le problème est que cette augmentation a été financée à la fois par l'endettement des administrations publiques et par la dégradation du taux de marge des entreprises, les coûts salariaux ayant augmenté plus vite que la productivité.
La Banque centrale suisse a été critiquée lorsqu'elle a mis un terme à sa politique d'intervention sur le franc suisse. Or, de mon point de vue, cette politique n'aurait pas dû être blâmée lorsqu'il y a été mis fin, mais au début de sa mise en oeuvre. En effet, on peut se demander comment un pays dont le taux de chômage est de l'ordre de 4 %, dont les finances publiques sont équilibrées, voire en excédent, et dont la balance courante est fortement excédentaire a pu être autorisé à empêcher l'appréciation du taux de change de sa monnaie. Il s'agit d'une manipulation monétaire dans un objectif de maintien de la compétitivité. Or, la théorie économique nous enseigne que d'autres solutions étaient possibles, telles que la mobilisation d'instruments internes. Je m'étonne, de ce point de vue, que le Fonds monétaire international (FMI) ait encouragé la Suisse à maintenir cette politique qui n'était pas tenable. Il me semble donc plutôt raisonnable d'y avoir mis fin. Cette décision de la banque centrale suisse constitue, en réalité, la conséquence directe du choix contestable qui avait été fait au départ. La Suisse se trouvait dans une situation que les économistes qualifient de « malédiction » des pays excédentaires, qui les contraint soit à laisser leur monnaie s'apprécier, au risque de voir la compétitivité de certaines de leurs entreprises se dégrader, soit à arrimer leur monnaie à une autre devise en accumulant des réserves de change. Dans ce dernier cas, le risque de change est élevé. C'est ce risque qui a inquiété la Banque nationale suisse. Je rappelle, d'ailleurs, que si l'Allemagne n'était pas dans la zone euro, elle se trouverait certainement dans une telle situation ...