Intervention de Jean-Luc Mélenchon

Réunion du 1er mars 2006 à 15h00
Égalité des chances — Article 2

Photo de Jean-Luc MélenchonJean-Luc Mélenchon :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en complément de ce qui vient d'être excellemment dit, je voudrais poser quelques questions et exprimer, à propos de cet article 2, les raisons essentielles de ma désapprobation.

Je commence par une question, monsieur le ministre. Je voudrais savoir, afin que vous éclairiez nos débats, quelles sont les branches patronales qui ont demandé cette réforme. Car vous ne pouvez pas avoir pris une telle décision sans avoir en vue le développement de certains métiers. Lesquels ? Et quelles sont les branches patronales qui l'ont demandé ? Pour ma part, je pense qu'aucune ne l'a fait. Et si, par hasard, l'une l'a fait, elle se trompe lourdement, autant que vous.

Je voudrais rappeler à tous nos collègues de quoi il s'agit. Nous parlons de jeunes gens qui ont quatorze ans et, pour certains, treize ans et neuf mois. Ce sont des enfants. Je renvoie chacun d'entre vous, compte tenu de l'âge moyen de la Haute Assemblée et de sa composition, au souvenir que nous avons soit de nos pères, soit de ceux d'entre nous qui ont connu un tel statut. Qui voudrait cela pour ses enfants ? Et si vous n'en voulez pas pour vos enfants, pourquoi en voulez-vous pour les enfants des autres ?

Ce sont des enfants. Ils sont trop jeunes, car beaucoup ici ignorent peut-être ce qu'est l'apprentissage. C'est d'abord un apprentissage intellectuel, dont le contenu est de plus en plus étendu. Il dure de plus en plus et prend de plus en plus de temps, pour des raisons liées à l'évolution des pré-requis techniques et culturels de tous les métiers, sans exception. Je le dis pour ceux qui pensent qu'il suffit de mettre un jeune dans une entreprise pour que le savoir suinte des murs ! Dans tous les métiers, ces savoirs abstraits augmentent. Ensuite, c'est un travail concret très prenant. Alors, regardez-y bien à deux fois !

Si l'idée est que certains jeunes étant mal à l'aise à l'école ou au collège, on les enverra en apprentissage pour que cela marche, c'est une vue de l'esprit ! En effet, dans les métiers et dans les entreprises de notre temps, on n'a pas les personnes qui sont capables de s'occuper de jeunes agités. Car, naturellement, ce ne sont pas les plus calmes que vous prendrez !

On ne fera donc qu'une chose : augmenter le nombre de ceux que, dans l'éducation nationale, on appelle les PDV, les « perdus de vue », c'est-à-dire ceux que l'on a mis dans un parcours et qui le quittent. En l'occurrence, plus de 25 % de ceux qui concluent un contrat d'apprentissage s'en vont dans les trois premiers mois. Et ils ne vont nulle part : ils disparaissent et sont déscolarisés.

Cette fraction-là de la jeunesse, nous la retrouverons. Elle s'ajoutera à ceux qui sortent du système scolaire sans qualification - ce n'est pas tant que cela par rapport au total des élèves de l'enseignement secondaire - pour former cette espèce de masse grise que nous découvrirons dans dix ans ou dans quinze ans et qui sera composée de jeunes qui ne sauront rien faire, qui en seront mortifiés, humiliés et qui seront devenus des violents !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion