directrice scientifique de l'OQAI, directrice adjointe « santé, confort» du Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB). - L'Observatoire est une institution unique qui a vocation à fournir des informations sur la qualité de l'air que nous respirons et sur ses conséquences en termes de santé publique. Nous collectons des données dans les bâtiments occupés pour identifier les polluants, et mesurer leur concentration en fonction de différents déterminants : la nature du bâtiment, l'air extérieur, le comportement des occupants, l'utilisation de produits d'entretien, etc. Pour cela, nous avons établi des parcs statistiques représentatifs. Grâce à la campagne de 2003-2005, qui visait les résidences principales, nous avons pu, pour la première fois, dresser une photographie de la pollution de l'air respiré par les ménages. Les données ont été utilisées par l'Institut de veille sanitaire ou l'Anses pour identifier les substances dont l'effet est le plus nocif pour la santé publique. Elles ont aussi été utilisées pour établir des valeurs-guide, instruments de gestion, afin d'identifier des zones à cibler ou déterminer le coût d'une action pour diminuer la pollution. Cette étude, la seule disponible en France, a également permis d'évaluer le coût social de la pollution de l'air. Nous avons identifié une vingtaine de substances polluantes. La plupart sont présentes dans l'ensemble des logements (10 % sont multi-pollués), et elles sont plus concentrées à l'intérieur qu'à l'extérieur. Un faisceau de causes intervient : le type de bâtiment, la présence ou non d'un garage, l'usage de matériaux neufs ; le comportement des occupants -l'usage d'encens, de pressings, le taux d'occupation- ; la gestion de l'air -plus que le type de système de ventilation, c'est l'état des systèmes qui est déterminant- et l'environnement extérieur. Aujourd'hui nous reprenons ces échantillons pour analyser la présence des composés organiques semi-volatils, comme les phtalates, les pesticides, les retardateurs de flamme bromés, etc. Nous présenterons nos résultats lors d'un atelier public le 11 juin.
Nous menons aussi une campagne sur 300 écoles et 600 salles de classe, ainsi qu'un programme sur l'air des bureaux, sujet sur lequel nous manquons de données. Nous étudions aussi les bâtiments performants en énergie. Nous avons mis au point des protocoles pour mesurer la qualité de l'air ou le confort ; les opérateurs intéressés les utilisent et nous renvoient les données. Nous présenterons nos résultats le 2 juin lors de la conférence Les Défis bâtiment et santé. Cette base de données sera complétée au fil de l'eau puisque nous suivons les bâtiments pendant un an après leur construction.
Nous réfléchissons également à de nouvelles campagnes sur les maisons de retraite ou les établissements de santé. Nous avons conçu, en outre, un programme sur les outils d'aide à la décision. Une de nos études les plus utilisées a été la hiérarchisation des substances : nous avons développé une méthodologie pour classer les substances présentes dans l'air en fonction de leur fréquence d'apparition, ou de valeurs toxicologiques de référence associées à des taux d'exposition. Certaines substances sont apparues comme prioritaires. L'Anses a utilisé cette hiérarchisation des données pour établir ses valeurs guides sur l'air intérieur en France et pour mettre au point un étiquetage des produits de construction. De même, ce programme a permis de fournir une estimation du coût social d'une exposition à des polluants de l'air intérieur.
Nous avons aussi développé un module pour mesurer le confinement de l'air, sur la base du taux de concentration du monoxyde de carbone. Associé à des indicateurs lumineux (vert-orange-rouge), ce système indique, dans les écoles non équipées de systèmes mécaniques, s'il faut ou non ouvrir les fenêtres pour aérer.
Nous travaillons aussi à mettre au point des indicateurs simples permettant d'apprécier rapidement la qualité de l'air intérieur. Nous avons aussi un module de communication, essentiel car le comportement des occupants d'un bâtiment influe sur la qualité de l'air. Les professionnels du bâtiment sont intéressés. Nous cherchons à favoriser l'émergence d'un réflexe santé lors de la construction d'un bâtiment, au même titre que la prise en compte de l'énergie, ou de l'environnement.