Sur le service public de l'audiovisuel, j'ajouterai les éléments suivants. Le coût des programmes par point d'audience est passé dans le service public de 45 millions d'euros en 2006 à 72 millions d'euros en 2013. Au cours de la même période, pour TF1, les chiffres s'établissent respectivement à 32 et 33 millions d'euros, ce qui illustre le travail réalisé sur les coûts et la gestion du groupe. L'augmentation des coûts était de toute manière inenvisageable avec une baisse du chiffre d'affaires de 430 millions d'euros en 7 ans. Il faut donc garder cette donne économique à l'esprit sous peine d'augmenter les recettes de l'audiovisuel public sans s'interroger sur la maîtrise des coûts des programmes. L'autre exemple en date est la signature d'un contrat entre Universal et l'audiovisuel public, alors que TF1 l'avait refusé auparavant car il n'était pas jugé pertinent économiquement.
J'en suis maintenant au contexte actuel.
D'abord, le marché a considérablement changé, à la fois en raison de la situation économique qui s'est dégradée et de l'arrivée de nouveaux acteurs. La ligne Maginot de la réglementation a ainsi explosé. Par ailleurs, les annonceurs ont revu leur stratégie d'investissement en raison de la diversification des supports ; ils se tournent de plus en plus vers le digital au détriment de la télévision. En outre, au-delà de la diversité des programmes, on a encouragé en France la diversité des acteurs (11 actuellement au lieu de 4 en 2002/2003), en commettant l'erreur de donner la priorité aux nouveaux entrants. Or, dans le secteur industriel de la création, un acteur isolé ne peut prospérer. Enfin, la réglementation actuelle, notamment en matière de fiction française, constitue l'un des très lourds handicaps que nous avons à supporter. Il faut rappeler que pour les fictions de prime time, tous les inédits perdent beaucoup d'argent. Seuls les producteurs en gagnent, et non les diffuseurs, ce qui ne veut pas dire que nous ne soyons pas attachés, au-delà de nos obligations, au développement de cette production française, qui recueille d'ailleurs un succès croissant auprès des téléspectateurs. Il ne faut donc pas voir dans notre démarche et nos demandes une volonté de ne pas s'engager dans cette production, mais plutôt le souci de transposer des dépenses dans de l'investissement. Ce constat est valable pour le service public qui dépense 400 millions d'euros dans la production française sans aucun retour, si ce n'est au profit des producteurs.
Mon propos n'est donc pas de remettre en cause la création ni le talent des uns ou des autres. Mais il n'est pas raisonnable de poursuivre dans la voie suivie par le législateur à une certaine époque visant à séparer de manière aussi stricte la diffusion de la production indépendante : comme faisait remarquer M. de Tavernost, indépendante de quoi, d'ailleurs ? Lorsqu'on constate que les sociétés de production les plus prolifiques font partie des groupes Lagardère, Zodiac ou Endemol, on peut s'interroger sur leur indépendance. Finalement, quel est l'intérêt d'avoir des sociétés de production qui se marient avec des groupes étrangers plutôt qu'avec des groupes français ? Notre but n'est de toute façon pas d'acquérir des sociétés françaises de production, mais d'avoir un juste retour sur les dépenses effectuées dans la production. Je sais que vous comprenez notre position, comme en témoigne le rapport particulièrement éclairant de M. Jean-Pierre Plancade sur les relations entre les producteurs audiovisuels et les éditeurs de services de télévision. Vous avez également adopté des dispositions en ce sens. Je constate néanmoins qu'à une période où tout change à une vitesse extraordinaire dans notre secteur, le décret d'application de la loi votée en novembre 2013 n'est toujours pas publié au 15 avril 2015. En dépit des débats sur cette loi et alors que les groupes publics et privés ont depuis investi 1,5 milliard d'euros, nous n'avons toujours pas de droit de propriété sur les productions, ce qui paraît extravagant. En résumé, nous souhaitons investir dans la création française, mais il faut changer la réglementation rapidement car les concurrents ne nous attendent pas.