Intervention de Nicolas de Tavernost

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 15 avril 2015 à 9h35
Avenir de france télévisions — Audition de Mm. Nicolas de Tavernost président du groupe m6 bertrand méheut président du groupe canal+ et nonce paolini président du groupe tf1

Nicolas de Tavernost, président du groupe M6 :

De mon point de vue, la bataille de la publicité n'a malheureusement pas été « gagnée » par les groupes privés : elle a été au contraire « à moitié perdue » car en France, contrairement à ce qui se passe dans d'autres pays comme l'Espagne ou la Grande-Bretagne, l'opérateur public conserve des recettes publicitaires avant 20 heures.

Les fréquences que nous utilisons ne sont absolument pas « gratuites » pour nos groupes : les contreparties dont nous nous acquittons sous forme de taxes spécifiques (pour le Centre national du cinéma et de l'image animée - CNC -, le service public ou encore la presse et la radio à faibles ressources publicitaires, qui représentent aujourd'hui près de 10 % de notre chiffre d'affaires annuel) ou sous la forme d'obligations de réinvestissement dans la production d'oeuvres audiovisuelles, sont particulièrement rigoureuses et, au final, plus onéreuses pour nous que ne l'aurait été le paiement des fréquences.

S'agissant de la revente controversée de l'autorisation d'émettre de la chaîne Numéro 23, cette vente relève avant tout de la liberté du commerce et l'usage de la fiscalité pour encadrer ces opérations ne me semble pas optimal. Ce qui est le plus regrettable dans cette revente c'est que la chaîne Numéro 23 n'a quasiment créé aucun actif au cours de ses deux premières années et demie d'existence. Si je compare cette situation avec celle de M6, au cours de nos quatre premières années et demie d'existence, notre groupe a accusé une perte d'un million de francs par jour, avant de trouver un équilibre financier. C'est un « investissement » qui nous a permis de créer des actifs et des emplois. La régulation des évolutions du secteur doit se faire moins par le biais d'une taxe ou d'une disposition législative ad hoc que par le bon usage de ses pouvoirs d'autorisation et de contrôle par le CSA. Je rappelle à cet égard que M6 avait fait acte de candidature auprès du CSA sur trois projets de chaînes pérennes et que nous avons même été amenés en certaines circonstances à restituer une fréquence (TF6), sans revente.

Aujourd'hui, la réglementation limite le quota d'oeuvres que nous produisons en direct, celui-ci ne pouvant pas dépasser 15 à 20 %. Or il constitue manifestement un frein à la production. Prenez par exemple notre série quotidienne Scènes de ménages, dont M6 détient les droits longs, pour laquelle notre groupe investit entre 30 et 40 millions d'euros par an et qui aujourd'hui, pour des raisons réglementaires, ne peut pas entrer dans notre obligation de financement de la création alors que dans le même temps nos concurrents européens ont des sociétés de production rattachées qui se développent à l'export.

Autre demande : lorsqu'un groupe investit (et donc prend des risques) dans la production d'oeuvres audiovisuelles, il devrait pouvoir être intéressé aux bénéfices en cas de revente.

L'ensemble de ces contraintes qui pèse sur le secteur audiovisuel français, tout particulièrement sur ses industriels historiques, pourtant acteurs pérennes et pivots de notre secteur, nous handicape et nous fait malheureusement prendre beaucoup de retard par rapport à nos concurrents européens qui ont choisi, quant à eux, des règlementations pragmatiques et qui ont fait confiance à leurs acteurs historiques pour développer l'offre. La levée de ces contraintes - essentiellement réglementaires - aurait pourtant un coût budgétaire nul.

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