Vous nous demandez en quelque sorte de protéger vos intérêts d'industriels, or nous sommes en droit de vous demander pourquoi, car en tant que législateurs nous défendons l'intérêt général. Nous sommes en droit d'interroger votre contribution au développement de l'offre, dans l'intérêt du public.
Vos propos sur les taxes sont discutables. Ainsi, la taxe qui finance le CNC permet une mutualisation des ressources au profit de la production cinématographique, ainsi que la défense de celle-ci. De la même manière, la taxe qui répartit une partie de vos recettes publicitaires en faveur de la presse écrite répond à un intérêt mutuel, les rédactions audiovisuelles travaillant de pair avec celles de la presse écrite, qui est une source d'information indispensable. Il ne suffit pas de parler de taxes, il nous faut déterminer si ces taxes sont utiles ou non à l'intérêt général.
Je relève également une contradiction dans vos propos : vous commencez par cibler le service public. Or, en vous écoutant, nous constatons que l'essentiel de la dégradation de la situation du secteur provient d'abord de la concurrence au sein du secteur privé, comme Netflix. Je rappelle que ce ne sont pas les acteurs du service public qui ont empêché LCI de devenir une chaîne d'accès gratuit. Il y a une concurrence féroce dans un secteur aux ressources limitées. N'avez-vous pas de propositions pour réguler ce secteur pour empêcher une concurrence qui, débridée, se révélerait destructrice ? Cela est valable au plan national comme au plan européen.
Je suis sensible à ce que vous dites quant à la production ; vous faites référence au rapport Plancade dont je partage l'analyse. Mais les remarques que vous faites s'appliquent également au service public. Les difficultés qu'il rencontre, notamment en termes de financement, se trouvaient d'ailleurs à l'origine des travaux du rapport Plancade. Je ne suis pas sûr que, dans la situation actuelle, le service public soit votre adversaire principal. Vous évoquiez la BBC (British Broadcasting Corporation), mais c'est ce modèle industriel qui a été détruit à la dissolution de la Société française de production (SFP).
Enfin, comme vous l'avez dit, le secteur audiovisuel est un secteur aux ressources limitées qui est confronté à un très grand besoin d'investissements. Répondra-t-on à ce besoin d'investissement uniquement par la régulation de la concurrence ? La mutualisation et la création de synergies entre les différents acteurs ne sont-elles pas nécessaires pour faire face à la concurrence étrangère, notamment des grands acteurs anglo-saxons qui sont très agressifs sur le marché national ? Face à Netflix, y aura-t-il une réponse individuelle de chaque opérateur ou une réponse plus coopérative ?