Intervention de Pascal Rogard

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 15 avril 2015 à 9h35
Refonte de la directive européenne sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information — Audition de Mm. Pascal Rogard directeur général de la société des auteurs et compositeurs dramatiques sacd et olivier brillanceau directeur général de la société des auteurs des arts visuels et de l'image fixe saif

Pascal Rogard, directeur général de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD) :

J'ai une grande capacité d'indignation quand je défends la création. Mme Reda est intelligente, subtile et maligne. Elle prétend, en même temps, mieux rémunérer les auteurs et multiplier les exceptions : il faudra qu'elle m'explique ! Le parti pirate ayant comme principal objectif d'affaiblir la propriété intellectuelle, pour un accès prétendument « libre » aux oeuvres par les consommateurs, je suis effectivement choqué que le seul représentant de ce parti se voit confier le rapport sur la réforme des droits d'auteur. Loin de moi de contester la légitimité du Parlement, je dis simplement que ce choix est inquiétant.

Peut-on l'emporter ? Quand je m'engage dans un combat, c'est pour le gagner. Nous avons reçu l'appui du Gouvernement, Fleur Pellerin a fait des déclarations explicites dans notre sens. La Commission européenne me paraît avoir compris que le sujet est complexe ; mais il existe des tensions entre les commissaires Oettinger et Ansip.

La création est une force de l'Europe, le droit d'auteur est un atout bien plus avantageux que le copyright, parce qu'il inclut un droit moral, le respect de l'oeuvre. Le droit d'auteur, je le répète, est une conquête de la Révolution française, c'est un droit de l'homme qui compte dans le socle européen, qui nous différencie des autres nations : plutôt que de le détruire, renforçons-le, en l'adaptant aux nouvelles technologies !

Je suis tout à fait favorable à la disponibilité et à la circulation des oeuvres, mais le numérique, qui devrait élargir et accélérer l'accès aux oeuvres, se traduit par toujours plus de piratage, contre les auteurs et la création elle-même.

Voyez le moteur de recherche recensant les oeuvres légales, que le CNC a élaboré à la demande du ministère de la culture et de la communication : sur 30 000 films référencés, le tiers seulement est disponible légalement, il faudrait commencer par rendre les oeuvres disponibles. L'éditeur de livres a l'obligation contractuelle d'exploiter l'oeuvre de manière permanente et suivie, il doit rendre l'oeuvre disponible ; pourquoi ne pas faire de même pour le cinéma et l'audiovisuel, en composant par exemple avec une période d'exclusivité ? C'est d'autant plus légitime que tous les films français, toutes les oeuvres audiovisuelles ont été produites avec la participation de fonds publics, via le CNC.

Internet n'est pas le diable, il constitue un formidable outil pour que les oeuvres soient accessibles au public, je n'emploie pas le terme de consommateur comme ils le font à Bruxelles... La question de la portabilité se posait déjà il y a trente ans, le problème est d'ordre commercial, on peut tout à fait le régler, pourquoi vouloir lui sacrifier un principe aussi fondamental que le droit de l'auteur à vivre de son oeuvre ?

La Commission européenne et Mme Reda défendent une philosophie de commerçants plutôt que les valeurs de l'homme, des créateurs, des auteurs. Que restera-t-il à la fin ? Ce sont les grandes oeuvres créées sur notre continent, par des auteurs européens, qui comptent pour l'Europe, pour son image, pour son épanouissement, bien davantage que l'intérêt de commerçants et d'entreprises extérieures ! Comprenez que je sois énervé, je réagis avec fougue parce qu'on s'attaque frontalement à la création : il est grand temps de réagir !

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