Intervention de Éric Bocquet

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 15 avril 2015 à 9h32
Établissements et services d'aide par le travail esat — Contrôle budgétaire - communication

Photo de Éric BocquetÉric Bocquet, rapporteur spécial :

Merci pour l'ensemble de ces questions qui recoupent des constats que j'ai été amené à faire à l'occasion des entretiens et des déplacements réalisés.

Je vais commencer par la question du transfert des ESAT aux conseils départementaux. Il est vrai que cette idée est séduisante étant donné que les départements gèrent pour une grande part la politique en direction des personnes handicapées. En revanche, il existe une vraie préoccupation s'agissant de l'égalité de traitement sur l'ensemble du territoire. Comme l'a évoqué André Gattolin, il existe déjà des disparités en termes de délais de traitement des dossiers. Les délais de notification sont beaucoup trop longs pour les familles. Dans mon département du Nord, la MDPH connait un retard important dans le traitement des dossiers, qui semble commencer à s'améliorer. L'État a bien été capable de créer 6 400 places en ESAT depuis 2008, avant de faire le choix d'arrêter le plan de création de places, ce qui est dommageable compte tenu des besoins.

Concernant le nombre de personnes en attente de placement, selon les informations recensées par la CNSA à partir des déclarations des MDPH, il était de 12 806 en 2012. Mais ce chiffre est issu des informations remontées, or de nombreuses MDPH n'ont pas transmis leurs données. Ce manque d'information est un problème qui a été relevé à plusieurs reprises au cours de cette mission. Un audit des systèmes d'information des MDPH a été conduit en 2013 et deux scénarii d'évolution sont à l'étude : l'élaboration d'un cahier des charges auquel les systèmes d'information actuels devraient se conformer ou la création d'un système d'information national. Les réflexions sont donc engagées et devraient aboutir à des propositions concrètes dans les prochains mois. Par ailleurs, l'UNAPEI (Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis) conduit une expérimentation dans trois régions afin d'améliorer la connaissance des populations accompagnées dans les établissements gérées par ses associations membres.

S'agissant du plan d'investissement en ESAT, le chiffre proposé dans le rapport de 10 millions d'euros pourrait effectivement être multiplié par quatre ou cinq pour pouvoir répondre aux besoins. C'est un montant minimal, demandé par l'UNAPEI, pour régler les situations d'urgence dans différents établissements.

Par ailleurs, concernant les financements croisés, je crois que la distinction entre le budget médico-social et le budget commercial constitue à la fois un atout, car cela permet de prendre en compte les produits d'exploitation générés dans un budget particulier, et une faiblesse, du fait de l'exposition des établissements au marché et aux difficultés économiques. Lorsque l'on est dépendant d'un client essentiel qui fait un jour défaut, cela constitue un risque important pour l'équilibre budgétaire. Cela amène les ESAT à diversifier leurs prestations pour ne pas être trop exposés à un seul client dont ils dépendraient trop fortement.

En temps de crise, les marchés que les ESAT peuvent gagner sont souvent plus précaires et plus courts, ce qui leur donne moins de visibilité. La concurrence pèse beaucoup sur leurs activités traditionnelles de conditionnement et d'emballage, qui sont peu rentables, et qui peuvent aller à d'autres prestataires. Ceci fragilise l'équilibre budgétaire des ESAT.

Il faut que le secteur public et que les collectivités territoriales soient davantage mobilisés. D'ailleurs un guide est paru récemment pour inciter les collectivités à avoir en tête de manière permanente l'existence de ces structures lors de la passation de marchés publics.

Nous n'avons pas d'éléments sur la typologie entre ESAT ruraux et ESAT urbains. En revanche, étant donné que ce sont les associations qui ont été à l'initiative de la création de ces établissements, le territoire est globalement bien couvert, et il existe moins de disparités territoriales que pour d'autres établissements médico-sociaux.

Enfin, le problème évoqué de la sélection à l'entrée des travailleurs les plus productifs est une réalité dans certains établissements. Dès lors que ceux-ci sont pleinement inscrits dans une logique économique, ils ont le souci de garantir un certain niveau de productivité. C'est tout le changement de culture à l'oeuvre en ESAT. Nous avons rencontré des personnes très engagées dans ces établissements, mais le fait est qu'elles deviennent aussi des gestionnaires et des chefs d'entreprise, et cette évolution ne se fait pas sans poser de problèmes.

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