Vous m'interrogez sur les risques financiers. C'est un fait que dans tous les scenarii, celui de la Commission européenne comme ceux d'autres organismes, ils ne sont guère intégrés. Celui du Gouvernement envisage une remontée des taux courts - de 0,1 % en 2015 à 0,7 % en 2018 - et des taux longs - de 0,7 % en 2015 à 3,3 % en 2018. Reste qu'il est difficile, faute d'instruments adéquats, d'intégrer l'ensemble des risques financiers.
Ce que l'on constate, en revanche, c'est une différence de perception sensible entre les acteurs des marchés financiers, inquiets de la montée de déséquilibres résultant de politiques monétaires accommodantes, et les conjoncturistes, qui s'accordent sur un rebond de l'activité en début d'année. Il ne faut pas négliger le sentiment des marchés - même si leur insistance actuelle est peut-être le contrecoup du silence qu'ils avaient observé en 2008 - car il fait partie des facteurs de risque. Le FMI insiste, lui aussi, sur les risques financiers. Le premier est boursier, et pourrait se traduire en une correction brutale. Le risque que vous avez évoqué sur l'assurance vie peut aussi être réel si les taux remontent brutalement. On ne peut non plus écarter le risque d'une forte variation des changes, en particulier sur le dollar. Ce peut être aussi la conséquence d'une augmentation trop rapide du crédit dans certains pays - ont été évoqués les crédits automobile et les crédits étudiants, notamment aux États-Unis. Le risque est toujours présent, enfin, d'une remontée mal maîtrisée du cours du dollar américain, avec ses conséquences sur les pays émergents, dont la dette est en dollar. Tout cela additionné représente, de fait, un risque ; il n'est pas dit que ce risque se transforme en réalité, mais il faut le garder présent à l'esprit.
Vous vous interrogez, comme beaucoup, sur la notion de croissance potentielle. C'est une notion, qui avec d'autres, comme celle d'effort structurel, est apparue dans les traités internationaux, parce qu'il semblait utile de ne pas raisonner systématiquement en fonction de facteurs conjoncturels. Cela dit, on sait combien, sur ces sujets, les points de vue des économistes sont partagés. Les estimations de croissance potentielle sont différentes selon les acteurs. Le Gouvernement, dans la loi de programmation, s'était appuyé sur le taux de croissance potentielle retenu par la Commission européenne, laquelle a modifié son estimation à la baisse, tandis que le Gouvernement juge désormais que, compte tenu des mesures qu'il a annoncées, elle peut être revue à la hausse. Si bien qu'il existe à présent un décalage. Pour 2016, la Commission européenne retient 1,1 %, alors que dans la loi de programmation, le Gouvernement retenait 1,3 % et qu'il table sur 1,5 % dans le programme de stabilité. Pour 2017, où il n'existe pas de prévision de la Commission européenne, le Gouvernement table sur 1,5 %, prévision qui se situe dans la fourchette haute des estimations.
La notion de croissance potentielle reste utile, mais il pèse sur elle des incertitudes considérables, en particulier dans la période atypique de longue stagnation que nous connaissons - le PIB est à peu de chose près à son niveau de 2007. Il y a eu, ces dernières années, d'importantes révisions à la baisse de la croissance potentielle et de l'écart de production, qui rendent le concept difficile à utiliser, ce qui ne veut pas dire qu'il faut totalement l'écarter, d'autant qu'il est sans incidence sur le déficit nominal. Il joue, en revanche, sur la répartition entre part structurelle et part conjoncturelle du déficit. Entre l'hypothèse retenue par le Gouvernement et la Commission européenne, il peut apparaître, de ce point de vue, des écarts...
Les révisions trop fréquentes posent, il est vrai, un problème de principe. Pour nous, la croissance potentielle retenue dans la loi de programmation est la référence. Si elle change en permanence, il devient difficile d'exprimer un point de vue stable.