Nous disons que cette prudence est bienvenue, même si nous formulons quelques interrogations sur le scénario tel qu'il nous est proposé. Nous observons qu'alors que le Gouvernement retient un scénario de reprise, certes prudente, sur 2016 et 2017, il n'en tire pas, à notre avis, toutes les conséquences sur la répartition entre la part structurelle et la part conjoncturelle du solde. C'est le fameux débat sur la croissance potentielle. J'avoue que je rejoins Maurice Vincent pour constater que le débat autour de ces notions est loin d'être clos, tant entre les économistes qu'entre le Gouvernement et la Commission européenne.
Dès lors que le scénario inclut une reprise de l'investissement, il est étonnant que l'écart de production ne se réduise pas sensiblement plus que ne le prévoit le Gouvernement. On peut comprendre les raisons qui le poussent à s'en tenir à une hypothèse macroéconomique prudente, tout en éprouvant le besoin de réviser à la hausse l'estimation de la croissance potentielle, sachant le débat qui persiste avec la Commission européenne sur l'effort structurel. Avec cette estimation, l'effort structurel est plus important dans le programme de stabilité que dans la loi de programmation - 0,5 % au lieu de 0,3 % en 2016. La Commission européenne estime qu'il faudrait 0,8 %. Il ne nous appartient pas de nous exprimer dans ce débat. Reste que si l'effort structurel est plus important, cela peut avoir des conséquences sur la croissance, donc sur le niveau de l'emploi. Tel est le débat politique qui se tient entre le Gouvernement et la Commission européenne, sur lequel vous aurez l'occasion d'interroger le ministre.
Si le Gouvernement augmente l'estimation de la croissance potentielle, c'est qu'il estime que les mesures en cours, comme celles du projet de loi « Macron » et d'autres auparavant, peuvent avoir un effet sur celle-ci. Il est, de ce point de vue, cohérent.
Plusieurs questions m'ont été posées sur l'investissement. Beaucoup pensent que l'on ne peut passer d'un rebond à une reprise de la croissance que si le moteur de l'investissement redémarre. Cela dépend du taux de marge des entreprises, qui s'améliore un peu. Des mesures ont été prises qui commencent à porter leurs fruits. Les entreprises bénéficieront aussi de la baisse des prix du pétrole et, pour certaines d'entre elles, de la dépréciation de l'euro. Cela dépend également de leurs perspectives de débouchés, c'est-à-dire de la croissance de leurs exportations. Des mesures sont en voie d'être prises, sur lesquelles vous serez bientôt appelés à vous prononcer, mais il est difficile de penser qu'elles auront des effets dès 2015.
S'agissant, Fabienne Keller, de l'investissement public, nous aurons l'occasion d'y revenir dans le cadre du rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques, qui sera remis dans la deuxième quinzaine de juin, puis du rapport sur les finances locales, qui doit être remis en octobre.
En ce qui concerne l'accès des entreprises au crédit, les études de la Banque de France estiment qu'il n'y a pas de rationnement bancaire, même s'il est vrai qu'il peut exister des problèmes d'accès pour les très jeunes entreprises ou les entreprises innovantes, qui demandent du temps avant d'être rentables.
La dette continuera d'augmenter en 2015. Tant que le déficit nominal restera au niveau qui est le sien, elle continuera de croître. Dans le programme de stabilité, le Gouvernement prévoit une stabilisation en 2016. Ce n'est pas la première fois qu'un scénario fait baisser le poids de la dette. La question est liée de près à celle de la croissance ainsi qu'à celle du déficit, et l'on aura l'occasion d'y revenir avec l'appréciation par la Cour des comptes de l'exécution du budget pour 2014 et du rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques.
La dette grecque ? Un scénario extrême ne peut être exclu, mais reconnaissons que les partenaires européens ont montré leur capacité à s'accorder et à prendre le problème à bras le corps. Le risque de contagion est beaucoup plus contenu qu'il y a deux ou trois ans. Outre les efforts entrepris pour la mise en place de l'union bancaire, les économies de beaucoup de pays d'Europe du Sud sont en moins mauvaise santé qu'il y a quelques années.
Quels sont nos handicaps structurels ? Nous en évoquons quelques-uns. Je confirme que les salaires nominaux ne baissent pas, mais augmentent - c'est une particularité française qui peut avoir des conséquences sur la compétitivité de nos entreprises. Le CICE, le Pacte de responsabilité et de solidarité ont pu contribuer, cependant, à l'améliorer, de même que l'environnement international, avec la baisse des prix du pétrole et la dépréciation de l'euro - dont il faut toutefois garder à l'esprit qu'elles profitent à toutes les économies européennes.