Pour répondre à Michel Bouvard, je pense également que la situation actuelle est fragile et qu'elle risque d'avoir un effet anesthésiant. Si le contexte économique s'améliore grâce notamment à la baisse du cours du pétrole, au taux de change de l'euro et à des taux d'intérêt particulièrement bas, les États sont susceptibles de recourir encore à des solutions de facilité, en continuant à emprunter et donc à s'endetter, sans procéder aux réformes structurelles nécessaires. Ce risque, que rappelle régulièrement le président de la BCE Mario Draghi, est réel.
Lors de son audition, hier, devant la commission des finances, je n'ai pas obtenu de réponses précises de Michel Sapin à mes questions concernant le financement des mesures nouvelles annoncées par le Gouvernement le 8 avril dernier afin d'accélérer l'investissement, qu'il s'agisse de l'avantage fiscal exceptionnel pour les investissements industriels des entreprises, de la hausse du budget alloué à l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) en 2015 ou encore de la prolongation d'un an du crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE). Il m'a simplement été indiqué que le coût de ces dispositifs serait couvert par la réalisation d'économies.
De même je ne dispose d'aucune information précise sur les modalités de financement du dispositif de préfinancement à taux zéro des remboursements versés par l'État au titre du FCTVA, mais il me semble évident que sa création résulte bien de la volonté que la Caisse des dépôts et consignations en assure la charge sur ses fonds d'épargne et d'éviter, par cet artifice, le recours à des dépenses budgétaires pour l'État. Il s'agit bien là d'un retour de la même dérive que pour les prêts bonifiés qui étaient accordés aux collectivités territoriales.
Je ne suis pas d'accord avec l'analyse de François Marc qui considère que les chiffres retenus par le Gouvernement dans le programme de stabilité rejoignent ceux de la programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019, qui n'avait pas été adoptée par le Sénat à l'automne dernier en raison, notamment, du fait que les hypothèses de croissance n'étaient pas réalistes. Pour l'établissement de cette loi de programmation, le Gouvernement était, au contraire, bien plus optimiste puisqu'il prévoyait une croissance de 1,7 % en 2016, 1,9 % en 2017 et 2 % en 2018, contre respectivement 1,5 %, 1,5 % et 1,75 % pour ces mêmes années dans le cadre du programme de stabilité que nous examinons aujourd'hui.
Comme l'avait indiqué le Haut Conseil des finances publiques dans son avis relatif au projet de loi de programmation, les hypothèses de croissance péchaient alors par optimisme et c'est la raison pour laquelle le Sénat n'avait pas adopté les dispositions de programmation de ce texte. Le Gouvernement est aujourd'hui bien plus prudent en revoyant ses prévisions.
Comme le soulignait Claude Raynal, le taux de croissance de 1 % retenu pour 2015 dans le programme de stabilité paraît effectivement raisonnable, compte tenu de l'amélioration d'un certain nombre de facteurs, notamment macroéconomiques, et en phase avec les estimations de la Commission européenne. Il est même plus faible que celui avancé par le Fonds monétaire international (FMI) et l'OCDE.
Fabienne Keller a souligné la forte sensibilité de la dette et du déficit à la conjoncture économique. Il ne s'agit pas d'être pessimiste, mais simplement de constater que nous vivons dans un monde incertain. Nos repères économiques sont chamboulés, notamment du fait de la baisse de l'inflation. Ainsi, toute modification, même légère, du taux de croissance, emporte d'énormes conséquences sur le plan budgétaire.
Il ne s'agit pas de se faire peur à tout prix : pour répondre à Claude Raynal, et lui démontrer que nous ne sommes pas pessimistes par nature, il faut rappeler que nous avons également présenté un scénario plus optimiste que celui du Gouvernement.