Nous nous réjouissons de la tenue de cette commission d'enquête au Sénat sur un sujet très important et surtout sur lequel il y a nécessité de dire les choses de manière crédible et, de ce point de vue, un rapport de commission d'enquête est idéal pour y parvenir.
La Fabrique écologique a trois caractéristiques. Elle est transpartisane et pluraliste, notre conseil d'administration réunit des personnalités des forces politiques de tout l'arc républicain. Nous avons la volonté de faire des travaux d'une complète rigueur avec une expertise totalement validée, c'est d'ailleurs, me semble-t-il, une raison de notre succès. Nous avons un processus très précis de relecture puis une validation par le conseil d'administration. Nous avons enfin adopté une démarche collaborative articulée avec les travaux d'expertise. Une fois la note publiée, un processus collaboratif se met en place. Les citoyens sont invités à réagir et le groupe de travail se réunit une dernière fois pour adopter la version définitive de la note. Tout cela se fait dans une parfaite transparence de notre financement, nos financeurs sont sur le site internet, et de notre gouvernance car chacun d'entre nous doit publier ses intérêts.
Nous avons décidé de créer un groupe de travail sur la pollution de l'air en Ile-de-France. Ces travaux sont en cours et donc les indications que nous vous donnons sont provisoires car non validées. Nous publierons nos travaux fin juin.
Je ferai quelques remarques en termes de méthode. Il y a une sous-estimation générale des coûts que peut générer la pollution de l'air, liée au fait qu'ils se répartissent en différentes catégories. Il y a tout d'abord les coûts qui affectent les particuliers mais qui ne sont pas imputés à leur origine qui est la pollution de l'air, comme les ravalements d'immeubles. Il y a ensuite les coûts externes de la pollution de l'air sur la santé. Il y a enfin les coûts des mesures d'atténuation et de compensation de la pollution de l'air.
Il existe des études sur le coût de la pollution de l'air mais pas de suivi administratif régulier et exhaustif or il serait utile qu'à un intervalle régulier un organisme fasse ce travail afin notamment de pouvoir montrer l'évolution du coût de la pollution. L'opinion publique a la notion que le coût de la pollution de l'air est élevé, mais il doit être précisément établi afin de pouvoir engager des actions.
L'organisme chargé de ce travail est à déterminer ou cela pourrait prendre la forme d'un rapport du Gouvernement au Parlement tous les deux ans.
Je constate également qu'il y a une confusion entre le débat climatique et le débat sur la pollution de l'air. Tous deux sont effectivement liés à la consommation d'énergies fossiles mais ils ne se recoupent pas totalement, notamment quand on analyse le système de bonus-malus pour l'industrie automobile qui a été principalement dirigé dans la dernière décennie sur la thématique du changement climatique et qui est plus orienté aujourd'hui vers la lutte contre les particules fines. Pour éviter de mélanger les thématiques je propose de distinguer la pollution climatique, qui serait relative aux gaz à effet de serre, la pollution atmosphérique et la pollution intérieure, cette dernière relevant à la fois de problèmes techniques et de problématiques liées aux comportements individuels comme la consommation de tabac.
On le voit, ces trois notions ne sont pas les mêmes et il existe pour les deux dernières un indicateur qui fait à peu près consensus qui est le niveau de particules dans l'air.
L'analyse coût-bénéfice s'avère complexe. La première difficulté se pose en matière de statistique de mortalité et de morbidité. Le suivi est satisfaisant pour les maladies cardio-vasculaires et respiratoires mais moins pour d'autres pathologies ce qui entraîne une difficulté de base statistique. Il faut donc constituer une base fiable et il serait intéressant qu'il y ait un endroit où les études sur le sujet puissent être synthétisées.
Ensuite vient la difficulté de la valorisation de l'impact sanitaire. Que faut-il prendre comme coût des décès prématurés ? Il y a eu des travaux nombreux et des analyses monétaires qu'il me semble indispensable de lier à chaque fois au nombre de décès et d'années de vie perdues. On mesure parfois les décès à partir du défaut de production qu'ils entraînent. Il me paraît tout aussi important de mesurer le défaut de consommation qui en résulte. Dans l'ensemble, mesurer le nombre d'années de vie perdues me paraît plus exhaustif que de mesurer le nombre de décès. Il n'y a pas par ailleurs d'appareil statistique suffisant pour mesurer la morbidité liée à la pollution de l'air.
Il faut également distinguer le coût de la pollution de fond et celui des pics de pollution. Il y a en effet deux coûts, celui lié à la pollution de fond est plus élevé car les conséquences sanitaires sont plus graves sans qu'on s'en rende compte. Le coût des pics de pollution est moins élevé mais plus visible. Il n'y a pas uniquement un problème de pollution de fond comme certains scientifiques le prétendent ou seulement un problème de pics de pollution comme les médias veulent le faire croire.
Enfin il faut savoir qui est à l'origine des coûts liés à la pollution de l'air et qui les supporte. Il y a plusieurs sources de pollution mais il faut aussi distinguer les coûts à effet planétaire, comme les gaz à effet de serre, les coûts liés à des grands phénomènes météorologiques et les origines de coûts qui sont locales. Il y a évidemment superposition partielle des sources mais la distinction me semble importante. Je suis frappé que dans l'opinion publique, et même peut-être chez les scientifiques, il existe encore une incertitude importante sur l'origine des phénomènes. On a ainsi l'impression que l'on découvre la pollution de l'air d'origine agricole ces derniers jours alors que celle-ci est connue de longue date.
Le fait que les coûts liés à la santé sont largement pris en charge par l'assurance maladie contribue certainement à les faire mieux accepter. Ceci n'exclut pas qu'il y ait des coûts individuels. Il faut arriver à socialiser dans de bonnes conditions les conséquences des phénomènes collectifs dans la mesure où l'on ne parvient pas à les empêcher par la prévention.
Il convient de mettre en regard le coût de la pollution et le coût des mesures destinées à l'éviter. Il y a à mon sens un décalage considérable entre les deux. Le simple fait d'interdire certaines techniques d'épandage en période de risque météorologique limiterait déjà de manière importante la pollution. De la même façon, la restructuration des centres villes pour investir dans des transports propres aurait certes un coût initial important mais finalement faible au regard du coût de la pollution.
Il faut certainement de l'imagination et de la volonté politique pour mettre en oeuvre les solutions de lutte contre la pollution de l'air mais à partir du moment où l'on a pris conscience du coût social important qu'a cette pollution on constate qu'avec des mesures qui coûtent beaucoup moins cher on peut améliorer considérablement les choses.