Nous oublions que la forêt est nécessairement conflictuelle : les propriétaires n'ont pas les mêmes intérêts que les utilisateurs, qui eux-mêmes sont souvent en conflit entre eux, que ce soient les chasseurs, les forestiers, les grands scieurs, les petits scieurs... Nous avons, à l'égard de la forêt, des attitudes extrêmement ambiguës car la forêt est souvent le résultat de l'échec de l'agriculture. Il y a du bois lorsque l'on ne peut pas produire autre chose à plus forte valeur ajoutée.
Je craignais un certain angélisme sur la gouvernance. D'autant plus que le système est d'une complexité effrayante. Chaque situation est profondément différente, y compris à l'intérieur d'une région. Ajoutons à cela qu'il y a un allié objectif de l'inertie en forêt : c'est le temps. En effet, le bois se bonifie généralement avec le temps.
En annexe du rapport, la Cour des comptes affiche comme priorité l'utilisation de la forêt au plan industriel, c'est-à-dire comme produisant une matière première prévisible en quantité, en prix et en qualité. Ce choix s'oppose aux comportements des administrations, en particulier des DREAL, mais aussi des associations. Ceux qui souhaitent que la forêt ne soit pas utilisée sont quantitativement plus nombreux et politiquement plus puissants que ceux qui veulent l'exploiter. Il faudrait pourtant faire dominer cette priorité. Certains propriétaires privés sont puissants mais ils ne s'intéressent pas à la condition économique de l'aval, ce qui explique le problème des exportations de bois brut évoquées par Alain Houpert.
En Lorraine, si l'industrie du meuble s'est totalement effondrée ces trente dernières années, ceci est dû à des erreurs de marketing mais aussi à la réalité des coûts salariaux et des coûts d'approvisionnement élevés en raison de l'insécurité de l'approvisionnement.
Le seul voeu que je forme est que cette priorité domine, au moins du côté de la politique publique destinée à la filière car il n'y a pas de véritable politique publique tant qu'il y a plusieurs priorités contradictoires. La forêt est d'abord un outil économique, un lieu de production, que l'État doit soutenir sur l'ensemble de la chaîne.