Il convient d'interroger les religions, ce que la laïcité n'empêche pas. En revanche, elle s'oppose à leurs prétentions civiles et politiques. L'article 35 de la loi de 1905 est très clair à ce sujet, même s'il n'est que peu appliqué. Par exemple, il ne devrait pas être envisageable de former les imams. Les religions ne sont a priori pas contrôlées par l'État, son contrôle ne pouvant se faire qu'à travers un régime concordataire. En revanche, elles sont contrôlées a posteriori. Si un ministre du culte haranguait les fidèles en leur demandant de se révolter contre l'IVG, à l'image de ce qu'a fait récemment l'évêque aux armées en qualifiant l'IVG d'arme de destruction massive, la loi de 1905 devrait être appliquée.
De plus, il est nécessaire d'interroger les religions en tant qu'elles appartiennent à la société civile. Elles ne doivent pas s'exprimer en tant qu'agents politiques communautarisés. Les individus qui y appartiennent ont cependant pour leur part le droit de faire valoir leur point de vue comme tout autre individu.
Par ailleurs, les religions ne doivent avoir aucune prétention à faire la loi mais certaines d'entre elles persistent dans cette voie. En France, le christianisme et le judaïsme se sont accommodés de cette amputation au niveau intellectuel, ce qui n'a pas freiné le développement de leur pensée.
Quoi qu'il en soit, il s'agit de savoir si nous reconnaissons les religions comme agents politiques. Le 4 mars dernier, le Président de la République a déclaré dans le journal Le Parisien : « La République reconnaît tous les cultes. ». Il a donc affirmé le contraire des dispositions de la loi de 1905. Or, le moment délibératif doit s'arrêter aux religions. Ces dernières peuvent être consultées ou entendues, comme je le suis moi-même en ce moment par vous en tant que membre de la société civile.
Bien sûr, les religions sont des supports de l'uniformisation de la vie des femmes, mais pas seulement. Les religions sont porteuses d'assignations sociales et anthropologiques dans de nombreux cas. À ce titre, l'exemple du mariage entre personnes de même sexe a été une fois de plus révélateur. La discussion à ce sujet a souligné le caractère archaïque de la conception de la condition des conjoints portée par le mariage religieux.
En outre, vous avez employé la notion d'espace public au sens juridique, mais la plupart des gens confondent « espace public » et « espace accessible au public ». Il importe d'être vigilant quant à cette ambivalence. Toutefois, la teneur de votre question témoigne d'un emploi rigoureux du terme d'espace public. C'est la nature de l'activité qui détermine l'espace public, pas forcément celle de l'espace. Par exemple, une maman se rendant à un rendez-vous avec un professeur pénètre dans un espace public au sens strict, mais la nature de l'activité n'est pas scolaire ; elle se rend dans l'école en tant que personne particulière. Il n'est alors pas nécessaire qu'elle quitte ses signes d'appartenance religieuse éventuels. En revanche, comme l'affirme la circulaire Chatel, si elle fait fonction d'accompagnatrice scolaire, son activité participe de l'autorité publique.
Cependant, la question des menus constitue une zone grise. Les enfants mangeant à la cantine pratiquent-ils alors une activité scolaire ? Le moment du repas peut être un moment où nous les laissons tranquilles. Pour autant, l'école doit se recentrer sur sa propre intériorité plutôt que d'être en permanence renvoyée à son extériorité. La question serait alors simplifiée. Quoi qu'il en soit, il n'est pas possible de faire ingurgiter aux gens des aliments qu'ils ne supportent pas. La question ne relève alors plus de la loi religieuse mais du tabou et de l'anthropologie.
Par conséquent, la question doit être posée autrement, de même que celle des accompagnatrices scolaires. Si la République donnait à ces dernières un insigne le temps de la sortie scolaire, elle éviterait cette stigmatisation. Dans le cadre de la cantine scolaire d'une école publique, il est à tout prix nécessaire d'éviter de séparer les enfants a priori et de les répartir selon leur appartenance supposée. Par exemple, refuser à un enfant de lui servir du jambon sur la base de son apparence est très grave, à moins que les parents n'aient donné des consignes strictes. Avoir décidé que les enfants doivent respecter certaines règles constitue une autre forme d'assignation. La République n'a pas à décider des règles religieuses. Sur cette base, il est possible d'envisager des solutions souples.
Dans les années 1950, ma mère était directrice d'école primaire et le problème se posait déjà. Les menus étaient alors affichés à l'avance. Dans le cas où le menu ne convenait pas, il était demandé aux parents de fournir un en-cas à leurs enfants. Désormais, la plupart des cantines scolaires sont équipées d'un self-service, même si les jeunes enfants ne peuvent se servir eux-mêmes. Quoi qu'il en soit, prétendre uniformiser la vie au nom de la laïcité est excessif et ne rend pas service à la laïcité.
Enfin, une autre solution est de demander à la puissance publique qu'elle intervienne le moins possible. Faire partie d'une équipe nationale de sport implique de connaître et de chanter La Marseillaise, l'activité sportive participant alors de la puissance publique. En revanche, il n'est pas possible de demander constamment aux gens de s'enthousiasmer en écoutant La Marseillaise, l'injonction ayant alors un caractère moral. Le minimalisme de la puissance publique constitue la condition grâce à laquelle elle choquera le moins possible les individus et ne pratiquera pas des assignations arbitraires.
Le 05/05/2022 à 11:55, aristide a dit :
"Quoi qu'il en soit, il n'est pas possible de faire ingurgiter aux gens des aliments qu'ils ne supportent pas. La question ne relève alors plus de la loi religieuse mais du tabou et de l'anthropologie."
Pas du tout, c'est religieux, totalement religieux, il faut assumer et ne pas masquer ses incohérences intellectuelles derrière du baratin qui ne signifie rien'
Par ailleurs, on a déjà vu des enfants, dans les écoles maternelles, demander à manger du porc, et c'est l'autorité publique qui leur a refusé ce choix individuel au nom de la religion des parents. C'est proprement scandaleux. La République a peur, et n'ose pas dire qu'elle a peur, jusque dans les maternelles...
Le 05/05/2022 à 11:58, aristide a dit :
"Par exemple, refuser à un enfant de lui servir du jambon sur la base de son apparence est très grave,"
Tout comme il est très grave de définir la nature religieuse ou non d'un foulard sur le type physique de la personne qui le porte.
Le 05/05/2022 à 12:01, aristide a dit :
"La discussion à ce sujet a souligné le caractère archaïque de la conception de la condition des conjoints portée par le mariage religieux."
Un homme et une femme, c'est archaïque ?
Le 05/05/2022 à 12:04, aristide a dit :
"La République n'a pas à décider des règles religieuses. Sur cette base, il est possible d'envisager des solutions souples."
C'est quoi ce sophisme ? La République ne décide pas des lois religieuses, donc ils font ce qu'ils veulent quand ils veulent ? Sauf pour le voile bien sûr...
Le 05/05/2022 à 12:07, aristide a dit :
"Quoi qu'il en soit, il n'est pas possible de faire ingurgiter aux gens des aliments qu'ils ne supportent pas."
Vous leur dites que c'est de la dinde, ils vont adorer... Ce n'est pas à la République de conforter les peurs religieuses, de faire le lit de l'intégrisme qu'elle doit combattre et non pas développer.
Le 05/05/2022 à 12:09, aristide a dit :
"Désormais, la plupart des cantines scolaires sont équipées d'un self-service"
Je croyais qu'elles étaient équipées d'un détecteur de micro-particules de porc...
Le 05/05/2022 à 12:12, aristide a dit :
"Quoi qu'il en soit, prétendre uniformiser la vie au nom de la laïcité est excessif et ne rend pas service à la laïcité."
Il s'agit de faire la même loi pour toutes et tous, sans distinction de religion, mais je sais que c'est du domaine de l'utopie...
Le 05/05/2022 à 11:49, aristide a dit :
"Par exemple, une maman se rendant à un rendez-vous avec un professeur pénètre dans un espace public au sens strict, mais la nature de l'activité n'est pas scolaire ; elle se rend dans l'école en tant que personne particulière. Il n'est alors pas nécessaire qu'elle quitte ses signes d'appartenance religieuse éventuels. En revanche, comme l'affirme la circulaire Chatel, si elle fait fonction d'accompagnatrice scolaire, son activité participe de l'autorité publique."
Une élève qui rentre dans une école ne participe pas non plus de l'autorité publique, et pourtant on la persécute bien parce qu'elle porte un foulard... En revanche, une maman voilée qui vient récupérer un manteau oublié, par exemple , on ne lui demande plus rien... Bonjour 'a cohérence. Pauvre République, voilà où le lobbying d'une minorité malhonnête l'a conduite.
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