Comme vous le savez, l'octroi de mer, dont l'objectif est, je le rappelle, de protéger la production locale, est régulièrement soumis aux foudres de Bruxelles. Continuellement, il nous faut justifier ce dispositif, produit par produit. Une fois établies les listes de produits assujettis, nous devons solliciter l'autorisation du Parlement européen. La décision du Parlement européen doit ensuite être entérinée par le Parlement français pour être applicable sur nos territoires. Le rôle des parlementaires français est ainsi essentiel. Pour autant, les marges de négociation sont limitées et nous ne pouvons pas nous écarter du cadre fixé par Bruxelles.
La décision d'abaisser le seuil d'assujettissement à la taxe de 550 000 € à 300 000 € a été entérinée par le Parlement européen. Nous n'y sommes pas opposés, dans la mesure où cette décision participe à la simplification de la situation des très petites entreprises (TPE), totalement exonérées de la taxe sous 300 000 € de chiffre d'affaires. Au total, cette mesure nous semble être dans l'intérêt des outre-mer.
En ce qui concerne les relations entre le marché unique antillais et la Guyane, j'indiquerai qu'il nous est difficile, en tant que gouvernement central, d'imposer une solution aux collectivités locales, qui sont les bénéficiaires de l'octroi de mer. Pour autant, nous reconnaissons que la situation actuelle n'est pas satisfaisante, en raison des différences de taux de taxation. Le ministère des outre-mer travaille depuis dix-huit mois avec les trois collectivités concernées pour dégager une solution commune. Cependant, compte tenu des délais de la discussion parlementaire, nous avions l'obligation de déposer un texte afin d'assurer que le projet de loi soit adopté au 30 juin. Cela n'empêche aucunement la poursuite des discussions entre les collectivités concernées. Dès qu'un accord sera obtenu, il pourra être retranscrit dans le texte. Le sénateur Patient a appelé de ses voeux un retour au « droit commun ». La question est de définir ce que l'on entend par « droit commun » en la matière. Pour ma part, j'estime que seule une solution consensuelle peut être efficace.
Le sénateur Patient a évoqué le régime dérogatoire de répartition des recettes en Guyane. L'urgence aujourd'hui est de fixer le dispositif global et d'obtenir l'autorisation de prélever la ressource avant le 30 juin. Dans un second temps, il conviendra effectivement de travailler sur sa répartition entre les différentes collectivités, communes et conseil départemental. En ce qui concerne la situation spécifique de la Guyane, je propose que nous y retravaillions à l'occasion de la préparation de la collectivité unique de Guyane.
J'entends bien les inquiétudes exprimées par le sénateur Larcher sur la CSPE. Nous avons d'ailleurs alerté Mme Royal sur les difficultés que la refonte de la CSPE ferait peser sur les outre-mer. Le mécanisme sera remis à plat et, avec le concours de votre délégation, nous aurons l'occasion de nous faire entendre pour sauvegarder ce qui représente un acquis pour nos territoires. S'agissant de la géothermie, je précise que le projet se poursuit, bien que les délais de décision puissent paraître surprenants. Alors que s'ouvre en fin d'année la COP21 à Paris, plaçant les énergies renouvelables et l'écologie au premier rang des priorités, je serais étonnée que nous ne parvenions pas à progresser significativement sur ce dossier.
Le sénateur Larcher a également évoqué les accords commerciaux signés par l'Union européenne. Je partage son constat en ce qui concerne les produits vendus en supermarchés. Sur ce sujet, il existe à mon sens un enjeu d'éducation des consommateurs. Nous avons établi un groupe de travail sur ce dossier et sur un certain nombre d'accords, portant notamment sur les sucres spéciaux, et nous avons pu faire entendre la voix des outre-mer.
Le sénateur Guerriau se disait surpris que l'octroi de mer soit appliqué sur des aspects relevant du service public. Je rappelle que cette taxe vise à compenser la faiblesse du potentiel fiscal. Si l'on multipliait les exonérations, le manque à gagner serait considérable pour les collectivités qui sont déjà en grande difficulté. Pour cette raison, nous pouvons difficilement nous permettre d'exonérer l'État de cette taxe de manière systématique pour ses missions régaliennes.
J'en viens à présent aux remarques du sénateur Revet. Il est vrai que, malgré l'immense domaine maritime dont ils disposent, de nombreux territoires d'outre-mer importent du poisson. Ce constat souligne l'importance de structurer les filières de pêche et d'aquaculture. Cependant, force est de reconnaître que les expériences réalisées jusqu'ici, en particulier sur l'aquaculture, n'ont pas produit les résultats escomptés. Il est essentiel aujourd'hui de parvenir à mieux exploiter le potentiel économique que représente le domaine maritime, en travaillant notamment au renouvellement de la flotte. Déjà, La Réunion dispose d'un certain nombre d'installations qui lui permettent d'exporter. De même, la filière pêche en Guyane est structurée. En revanche, elle reste encore majoritairement artisanale dans les Antilles et mérite d'être davantage organisée.
Enfin, s'agissant des questions du sénateur Mohamed Soilihi, j'indiquerai que dans le cadre de sa « rupéisation », Mayotte disposera de fonds plus importants qui, je l'espère, permettront d'aboutir à une situation satisfaisante.