Intervention de Philippe Portier

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 9 avril 2015 : 1ère réunion
Femmes et laïcité — Audition de M. Philippe Portier directeur d'études à l'école pratique des hautes études paris-sorbonne directeur du groupe sociétés religions laïcités grsl

Philippe Portier, religions, laïcités (GRSL) :

Ce qui caractérise la situation contemporaine, c'est la remise en cause du partage entre le privé et le public. L'ordre démocratique en général repose sur ce que le philosophe Michael Walzer appelle la « séparation des domaines », à partir de laquelle s'est construite notre laïcité. Or, depuis les années 1960 et 1970, les frontières se brouillent ; le privé pénètre le champ du public avec la multiplication des délégations de service public et des contrats de partenariat public-privé ; à l'inverse, le privé est de plus en plus régi par de nouvelles normes de droit public. À titre d'exemple, à partir des lois Debré de 1959, le système d'enseignement privé va être investi par les règlementations de l'Éducation nationale.

Le modèle actuel combine à la fois surveillance et reconnaissance du religieux. L'apparition de mets de substitution dans les cantines, les autorisations d'absences pour fêtes religieuses et la création du Conseil français du culte musulman (CFCM) sont autant d'éléments de visibilité de cette reconnaissance du fait religieux. Il s'agit, dans ces cas de figure concrets, d'« accommodements raisonnables ».

La tension entre reconnaissance et surveillance du religieux dans notre système de laïcité s'explique notamment par le fait que l'État se trouve dans une situation d'« impotence symbolique et matérielle », si bien qu'il éprouve des difficultés à répondre aux défis qui sont les siens aujourd'hui, devant ainsi faire appel à la société civile pour rendre cohérent un ordre social qui lui échappe.

Toutefois, cette reconnaissance s'accompagne aussi d'une volonté de surveillance. La reconnaissance ne peut avoir lieu que lorsque les religions acceptent l'ordre constitutionnel leur permettant d'exister. C'est autour de ces deux points que peut s'expliquer l'ambiguïté que dessine notre système de laïcité.

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