Intervention de Jean-Luc Mélenchon

Réunion du 1er mars 2006 à 15h00
Égalité des chances — Article 2

Photo de Jean-Luc MélenchonJean-Luc Mélenchon :

Je veux d'abord donner acte à M. Gérard Larcher du fait qu'il connaît bien son dossier. C'est la raison pour laquelle on peut se permettre d'être plus exigeant avec lui qu'avec d'autres, qui connaissent beaucoup moins bien le dossier et qui nous assènent des vérités sans les démontrer.

Je renouvelle donc ma question : qui a voulu cette réforme de l'apprentissage ?

On nous a lu tout à l'heure un document dans lequel il était indiqué que les chambres de commerce et d'industrie, qui sont des partenaires naturels de l'État et qui exercent d'ailleurs des fonctions publiques pour le compte de ce dernier, se disent prêtes à s'inscrire dans la démarche voulue par le Gouvernement. C'est quand même bien le moins qu'elles puissent faire ! Mais qui a réellement demandé l'ouverture de ce nouveau volet de l'apprentissage ? Je n'ai pas eu de réponse à cette question pour l'instant.

Le ministre a eu raison tout à l'heure de rappeler que j'ai été, en tant que membre d'un gouvernement précédent, de ceux qui ont essayé d'améliorer l'apprentissage, notamment en révisant la totalité - voyez comme ce pays est étrangement fait ! - des programmes d'enseignement généraux des CAP, ce qui n'avait pas été fait depuis vingt ans. Cela n'a suscité aucune ligne dans la presse. Changez trois virgules au programme du baccalauréat académique et vous aurez une émeute !

J'ajoute à l'intention de mes collègues qu'il est inutile de demander à ce gouvernement de prendre des mesures contre la discrimination raciale, étant donné que c'est le gouvernement Jospin qui les a fait voter en son temps.

Cependant, je rends grâce au ministre Jean-Louis Borloo, qui, dans cette assemblée, m'a fait la bonne manière d'accepter que soit adoptée la carte d'apprenti, qui donne les mêmes avantages que la carte d'étudiant.

Cela veut dire qu'il n'y a pas ici des gens qui seraient a priori contre l'apprentissage et d'autres qui en seraient les partisans. Il faut avoir une attitude raisonnée, ne pas mythifier l'apprentissage, en discerner les limites, tout en le rénovant et en le réformant.

Mais le Gouvernement prend le problème par le mauvais bout. Une série de questions doit d'abord être réglée, que vous me permettrez d'évoquer très rapidement puisque je ne dispose que de cinq minutes.

Premièrement, quelle est l'efficacité des corps d'inspection de l'éducation nationale qui surveillent l'apprentissage dans les conditions actuelles ? Aujourd'hui - pour répondre par un euphémisme -, elle est extrêmement limitée.

Deuxièmement, quelle est la réalité des passerelles ?

Jusqu'à présent, on pouvait entrer en classe de préapprentissage à quinze ans et, à seize ans, c'est-à-dire à la fin de la scolarité obligatoire, on pouvait devenir apprenti. Là, il s'agit de jeunes âgés de quinze ans. Où sont les passerelles pour ceux qui vont accéder au niveau CAP et qui voudraient ensuite s'orienter vers un bac pro ? Ce sont des questions très concrètes. Réglez ces questions et vous légitimerez sans doute mieux tout le reste. Je reconnais que je n'ai pas eu le temps de le faire en tant que ministre, mais c'était les questions qui m'étaient posées.

Troisièmement, où est la possibilité de l'insertion dans un cursus plus long ? Et dans un établissement public ?

Nous parlons de l'apprentissage. Va-t-on développer les sections d'apprentissage dans les établissements publics, c'est-à-dire dans les lycées professionnels, dont le maillage est aujourd'hui complet sur le terrain, ou bien va-t-on faire en sorte que cela se passe dans les CFA privés, qui sont tous à la charge des collectivités locales, c'est-à-dire des régions ? Que voulons-nous ? Quelle est l'orientation ?

Quatrièmement, le patronat fait-il son travail au sein des commissions professionnelles consultatives qui arrêtent le niveau du contenu technique des CAP ? Certains détracteurs, qui n'y connaissent rien, ne profitent-ils pas de la faible présence des branches patronales dans ces commissions pour, ensuite, surgir par la fenêtre et reprocher aux diplômes de l'éducation nationale d'être totalement surfaits, inadaptés à la production ? Je rappelle en effet qu'il n'y a pas un diplôme professionnel dans ce pays dont le contenu ne soit pas arrêté avec les branches professionnelles elles-mêmes.

Telles sont les questions simples et concrètes auxquelles il faut au préalable répondre. Si M. Gérard Larcher s'y attelle, il pourra compter sur mon soutien et j'espère pouvoir compter sur le sien, le moment venu, si c'est nous qui avons à résoudre ces questions. S'il s'agit de faire vivre une filière qui a sa cohérence à côté de la filière académique, je pense que nous serons nombreux à considérer que c'est une bonne idée, mais il faudra le faire à partir d'éléments précis.

Je ferai une dernière observation.

Mes chers collègues, pour quelle raison y a-t-il appétit d'apprentissage ? Vous le savez comme moi, c'est parce qu'il y a rémunération. Le grand problème qui est posé à toutes les familles populaires, depuis plusieurs générations, c'est de faire bouillir la marmite.

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