Vous vous en souvenez sans doute, après la chute du mur de Berlin et l'explosion de l'empire soviétique, Francis Fukuyama avait sorti un livre intitulé La fin de l'histoire. Il y annonçait, en substance, la victoire définitive du modèle occidental, de l'économie de marché et de la démocratie.
À l'époque, nous avions relevé la fin de la « belle époque de la guerre froide » - avec des guillemets, bien évidemment -, durant laquelle deux blocs s'opposaient frontalement suivant des règles du jeu communes. Selon notre analyse, la période suivante serait marquée par une multiplication d'acteurs internes aux États, au niveau des États et transnationaux : Al-Qaida et Microsoft, si j'ose les rapprocher. Les risques sont effectivement devenus de plus en plus multipolaires et les armes de la puissance risquent à l'avenir d'être beaucoup plus disséminées. Notre planète est aujourd'hui beaucoup plus une planète poudrière qu'une planète pacifiée. Les problèmes de sécurité et de défense s'y posent avec une acuité très grande. Nous venons d'ailleurs de terminer à Futuribles un travail sur les questions de cybersécurité.
Si je suis un européen très convaincu, je reconnais que l'Europe est impuissante en termes de sécurité et de défense et qu'il n'y a pas beaucoup d'États sur le continent en capacité de peser réellement sur la scène mondiale dans ces domaines. La France est de ceux-là. Je déplore donc l'absence de réelle politique européenne de sécurité et de défense et le retard pris par le projet de création d'une agence européenne de l'armement. Nous sommes en guerre économique, nos territoires sont en concurrence les uns avec les autres pour attirer les talents, les capitaux. Or les moyens de régulation par rapport à ces phénomènes de concurrence ou de conflit sont quasi inexistants.