Il est de bon ton, depuis quelques années, quel que soit l'interlocuteur par ailleurs, de critiquer ou de mettre en cause les responsables politiques. J'ai tendance à penser que les citoyens de notre pays ont les politiques qu'ils méritent.
Notre société connaît une période de profondes mutations. Les habitudes cycliques observées depuis quelques générations appartiennent désormais au passé. Ces mutations sont d'ordre économique, climatique et interviennent à l'échelle planétaire. Raisonner comme si nous étions dans le même monde qu'après les accords de Yalta n'a pas de sens. Les Bric - Brésil, Russie, Inde, Chine - et l'Afrique ont envie d'avoir leur part du gâteau planétaire : c'est logique et normal. Tout cela chamboule d'une certaine manière une partie de nos certitudes. On pointe souvent le rôle des économistes et l'absence de pensée politique. Il se trouve que, dans les siècles précédents, les économistes talentueux étaient en même temps philosophes. Les pensées philosophiques du XIXe et du XXe siècles sont à mon sens toujours valables aujourd'hui. Les critères économiques, eux, ont évolué. Faudrait-il pour autant s'abstenir non pas de repenser mais de regarder avec un oeil neuf ce que disaient les grands philosophes qui nous ont précédés ? À l'évidence, non.
Chacun connaît la réalité de l'utilisation des finances mondiales aujourd'hui. Sur l'ensemble des échanges boursiers, seuls 10 % peut-être s'appuient sur des investissements pour soutenir l'activité économique. Le reste appartient au domaine spéculatif. L'association que vous présidez avait-elle prévu la crise financière de 2008 ? Tout ce qui a été prévu et imaginé, pour autant que c'était nécessaire, n'était certainement pas suffisant. Un bilan est souhaitable pour nous prémunir des risques d'un nouveau krach. La bourse de Paris connaît actuellement une envolée spéculative ; il est en train de se créer une bulle spéculative dont les conséquences s'annoncent aussi redoutables que dramatiques.
J'ai pris connaissance d'une note de veille que Futuribles a publiée le 23 janvier 2012 : depuis vingt ans, au sein des pays membres de l'OCDE, les 10 % les plus riches de la population ont vu leur pouvoir d'achat augmenter, les 10 % les plus pauvres leur pouvoir d'achat diminuer. Nombre d'économistes sont sur cette ligne. N'avez-vous pas le sentiment que de telles inégalités, entre les pays ou sur un même territoire, constituent un frein à la croissance ? De mon point de vue, l'égalité est source de croissance, l'inégalité de décroissance. C'est un vrai sujet qui devrait concerner chacune et chacun d'entre nous.