Intervention de Corinne Bouchoux

Réunion du 13 mai 2015 à 14h30
Réforme des méthodes de travail du sénat — Discussion d'une proposition de résolution dans le texte de la commission

Photo de Corinne BouchouxCorinne Bouchoux :

Les experts et les juristes considèrent que la qualité d’écriture de la loi votée au Sénat est grande, que les jeux partisans sont moins clivants et caricaturaux qu’ailleurs, que la Haute Assemblée a longtemps été le défenseur des libertés individuelles et qu’elle est souvent un lieu de réflexion collective progressiste. La plupart des sénateurs ont une expérience solide de la gestion des deniers publics à différents échelons. Cela devrait être un atout.

Dès lors, par quel mystère ce travail législatif de qualité, cette expérience reconnue, cette expertise ne sont-ils pas – ou plus – compris actuellement par nos concitoyens ? Si nous partageons les vues exprimées sur l’ampleur de la crise actuelle, l’analyse des causes, et donc la nature des remèdes, pourra varier d’un groupe à l’autre.

Des lois sont votées en nombre, mais nos concitoyens n’en voient pas l’effet immédiat dans leur quotidien. Certains prétendent d’ailleurs, non sans raison, qu’il y en a trop. Remettre en perspective nos méthodes d’élaboration de la loi est donc une nécessité.

Comment travailler mieux, tout en respectant les voix dissonantes et minoritaires ? Comment rationaliser le travail ? Comment enrayer l’inflation des amendements, qui peuvent devenir une façon d’exister, d’être visible ? Comment optimiser notre temps, une denrée rare, et ne pas montrer au public un hémicycle vide, quand nous sommes en réalité réunis dans une autre salle du Sénat ? Comment éviter de siéger dans trop d’instances, dont certaines ne sont d’ailleurs pas indispensables ?

Les mesures qui seront débattues et adoptées ce jour vont dans le même sens : rénover pour travailler mieux en travaillant autrement. Il n’est pas possible de contester cette ambition, même si certains dispositifs, anodins pour des grands groupes, peuvent être plus sensibles pour les petits.

Nous partageons donc la finalité et l’état d’esprit qui ont présidé à tous ces travaux.

Cela étant, et c’est plus délicat à dire, voire sûrement aussi à entendre, nos concitoyens nous reprochent non seulement un mode de fonctionnement apparent, mais également le faste des locaux qu’ils sont pourtant très nombreux à souhaiter visiter et à admirer lorsqu’ils les découvrent.

Ce qui soulève aussi des interrogations, c’est ce que nous sommes sociologiquement, c'est-à-dire des individus avec une certaine expérience de la vie – c’est une qualité précieuse –, mais presque tous issus de milieux sociaux ou professionnels très voisins et globalement favorisés.

En 1979, la composition du Sénat comprenait seulement quatre femmes, contre 25 % depuis le dernier renouvellement. C’est positif, mais cela reste encore bien insuffisant. Le sujet ne relève pas de la réforme du règlement, mais il existe un lien entre les deux : il faut un Sénat mixte, comme la France est mixte.

Vous le savez aussi bien que moi, il n’y a encore jamais eu de questeur femme à la Haute Assemblée. Pourtant, dans les collectivités, nous, femmes, sommes souvent assignées aux domaines de l’intendance et de la gestion, et nous y réussissons fort bien.

Nous pouvons donc formuler l’hypothèse selon laquelle les critiques adressées au Sénat portent également sur ce que nous sommes : le produit d’une histoire politique. Une évolution est nécessaire.

Modifier des règlements et des usages dans le sens de la rigueur, de la transparence, d’une éthique irréprochable et de l’efficience, c’est indispensable. Pour autant, est-ce suffisant ?

Pour nous, écologistes, la logique institutionnelle est visiblement en bout de course.

Parmi les dispositions qui nous sont proposées aujourd'hui, il manquait – cela relevait d’un amendement de coordination – la reconnaissance des « invisibles » du Sénat. La loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique a prévu, et c’est heureux, les déclarations d’intérêts et d’activités des membres du Parlement qui doivent mentionner tous leurs collaborateurs, ainsi que leurs autres activités professionnelles. Il nous semblait par conséquent évident de reconnaître ces personnels dans notre règlement.

Cela étant, puissions-nous par les travaux de ce jour amorcer réellement une grande réforme de la Haute Assemblée qui contribue à faire évoluer notre méthode de travail et notre image.

Je conclurai en saluant une mesure que d’aucuns jugeront peut-être anodine, mais qui est importante pour d’autres : depuis deux jours, sont mises à disposition des cartes de « sénatrices », pour celles de nos collègues qui préfèrent être appelées ainsi plutôt que « sénateurs ». Les détails sont importants en République !

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