Intervention de Michel Billout

Réunion du 1er mars 2006 à 15h00
Égalité des chances — Article 2, amendement 598

Photo de Michel BilloutMichel Billout :

Nous insistons : notre amendement a pour objet de poser clairement et fermement le principe d'interdiction du travail de nuit des mineurs, quelle que soit leur situation, qu'ils soient apprentis ou jeunes travailleurs.

Si nous souhaitons réaffirmer ce principe avec force, c'est en raison de l'habile, mais non moins dangereux, tour de passe-passe réussi par le Gouvernement qui, de fait, en abaissant l'âge de l'apprentissage à quinze ans, autorise le travail de nuit des jeunes apprentis dès cet âge.

Le travail de nuit des enfants ne faisait pourtant pas partie des dispositions de ce projet de loi. Mais en autorisant désormais un apprenti junior à conclure un contrat d'apprentissage de droit commun à partir de l'âge de quinze ans, au lieu de seize actuellement, toutes les dispositions applicables aux apprentis s'adaptent automatiquement à ces jeunes et nouveaux apprentis.

Par conséquent, le code du travail est lui aussi réaménagé, puisqu'il prévoyait jusqu'à présent que nul ne peut être engagé en qualité d'apprenti s'il n'est âgé de seize ans au moins. Des dérogations prévoyaient néanmoins qu'un jeune pouvait être engagé comme apprenti dès l'âge de quinze ans.

Mais, aujourd'hui, la dérogation devient la règle, ce qui constitue une régression supplémentaire dans notre législation sociale. Les conséquences en sont éminemment graves puisqu'elles concernent le travail des enfants.

Outre le fait qu'il remet en cause la scolarité obligatoire jusqu'à l'âge de seize ans, cet abaissement de l'âge de l'apprentissage entraîne bien des bouleversements. Nous touchons là d'ailleurs à l'un des aspects les plus régressifs de ce projet de loi, déjà néfaste pour le monde du travail et les salariés.

En effet, la réglementation du travail de nuit s'appliquera, de fait, aux apprentis dès l'âge de quinze ans, bien que, je le répète, et c'est ce qui est d'autant plus scandaleux, le Gouvernement ne l'ait pas expressément prévu dans le projet de loi. Mais un tel silence est-il vraiment innocent ? Nous ne le pensons pas !

La manoeuvre était assez simple : la preuve, il vous a suffi d'aménager les articles du code de l'éducation et du code du travail sur l'âge minimum pour être apprenti et le tour était joué !

Pourtant, le principe de base est l'interdiction du travail de nuit pour les enfants. Toutefois, nous assistons, surtout depuis la loi de programmation pour la cohésion sociale de 2004, à une véritable déferlante de dérogations dans le domaine du travail de nuit des mineurs.

À l'origine cantonnées à la boulangerie, celles-ci n'ont cessé, tant sous l'action du précédent gouvernement que de l'actuel, de s'élargir à de nouveaux secteurs d'activité.

Ainsi, et après que la loi du 26 juillet 2005 relative au développement des services à la personne a autorisé le travail de nuit des mineurs dans les secteurs de la pâtisserie et des courses hippiques, le décret du 13 janvier dernier l'a étendu aux secteurs de la restauration, de l'hôtellerie et des spectacles.

Le champ d'application des dérogations s'avère au final être très vaste. Jusqu'où ira le Gouvernement ?

Cette nouvelle législation relative au travail de nuit des mineurs nous inquiète également en termes de santé publique, ainsi que l'a évoqué ma collègue Éliane Assassi en défendant l'amendement n ° 598, qui a été adopté.

Les dangers d'une telle modification de la législation sur le travail de nuit des enfants sont donc bien réels et nous regrettons que la majorité n'en prenne pas conscience.

Les Français ne seront pourtant pas dupes, et lorsqu'il s'agira d'envoyer leurs enfants de quinze ans travailler tard ou très tôt dans la nuit, ils n'auront certainement pas de difficultés à se rappeler que c'est ce Gouvernement qui l'aura permis.

C'est pourquoi il est encore temps, je crois, de modifier cette situation, en adoptant notre amendement de suppression de la disposition autorisant de manière dérogatoire le travail de nuit des jeunes travailleurs.

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