Je tiens tout d'abord à remercier la Cour des comptes pour ce rapport très riche et très complet, qui souligne notamment les progrès très tangibles qui ont été accomplis - pour reprendre l'expression employée. Nous avons maintenant le recul suffisant pour faire un point d'étape sur la politique immobilière de l'État, comme la Cour des comptes l'a fait et comme le Premier ministre l'a demandé à l'Inspection générale des finances. Pour autant, cette politique reste une politique jeune : à l'échelle de l'État et du domaine, 2009, c'est hier. Il n'est donc pas anormal de constater qu'il reste des progrès à faire.
Le service France Domaine, rattaché à la direction générale des finances publiques, est le bras armé de cette politique. Par moments, on peut avoir l'impression que le bras se trouve entre le marteau et l'enclume, ce qui peut être douloureux. En effet, les services rendus par France Domaine sont parfois critiqués - c'est normal, rien n'est parfait, même si nous essayons de tendre au meilleur service possible. Mais c'est parce que la loi est elle-même contestée : les compétences que le législateur donne à France domaine sont parfois mal comprises, sinon contournées. La première difficulté consiste donc à faire respecter les textes.
L'immobilier est une politique support, mais aussi le support de politiques. La Cour des comptes souligne bien que l'État a des objectifs multiples à cet égard, qu'il convient de concilier, ce qui peut créer des tensions. L'État souhaite à la fois maximiser les ventes, ce que chacun peut comprendre eu égard à la situation de nos finances publiques, mais en même temps favoriser la construction de logements sociaux, dans le cadre de la loi « Duflot » du 18 janvier 2013. L'État souhaite à la fois protéger le patrimoine et être exemplaire en matière environnementale, dans un contexte d'impécuniosité. Il existe donc une difficulté permanente de mise en cohérence de cette politique.
A-t-on pour autant à rougir de ce qui a été accompli ? Je ne le crois pas. Tout d'abord, il s'agit d'un travail collectif - « bras armé » n'est pas synonyme de solitude ni de monopole. Tous les services de l'État sont partie prenante de cette politique. Les ministères, dont relèvent l'essentiel des crédits de la politique immobilière de l'État, demeurent bien les occupants du domaine public. Au-delà des lignes directrices - la norme de 12 mètres carrés de surface utile nette par poste de travail, l'optimisation et la minimisation des coûts - il peut donc subsister l'impression d'une gestion immobilière au coup par coup, du fait de la multiplicité des acteurs et des intervenants. Mais cette multiplicité est-elle facteur de dysfonctionnements ? La démonstration ne me parait pas totalement avérée. Par exemple, lorsque l'on dit que les taux de retour vers le CAS « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » sont hétérogènes d'un ministère à l'autre, il s'agit d'une donnée incontestable. Toutefois cette hétérogénéité ne résulte pas d'une décision de France Domaine, mais bien de celle des pouvoirs publics de traiter différemment des situations différentes entre ministères.
S'agissant de la question posée par la présidente à propos de l'organisation de la gestion immobilière du patrimoine de l'État, Jean-Pierre Bayle a fait allusion à la proposition de la Cour des comptes de créer un service à compétence nationale qui serait rattaché au ministre du budget. Cette proposition me rend perplexe. Nous partageons un certain nombre de constats avec la Cour des comptes sur la politique immobilière de l'État. Il faut donc se demander, face à chacun de ces constats, en quoi un rattachement fonctionnel différent permettrait ou non de mieux accomplir une tâche ou de corriger un défaut. S'agissant par exemple du constat d'un État impécunieux, de l'hétérogénéité des taux de retour, ou de la mutualisation budgétaire perfectible, un rattachement de France Domaine au ministre ne changerait pas grand-chose. L'approche que je suggère serait, avant de se préoccuper de questions organisationnelles, de regarder d'abord les éventuels défauts du système, les progrès attendus et les améliorations qui tardent. Concernant l'argument selon lequel un changement de rattachement serait justifié par la vocation interministérielle de cette politique, je suis également perplexe. S'il fallait rattacher directement à un ministre toutes les politiques ayant une telle vocation, cela irait bien au-delà de France Domaine. Pour ne parler que de la direction générale des finances publiques, il faudrait alors rattacher d'autres missions au ministre, comme la tenue de la comptabilité de l'État, la paie des fonctionnaires ou encore le paiement des retraites.
Pourtant, il faut à l'évidence réfléchir sur la conduite de cette politique. Tout dispositif qui permettrait aux objectifs initiaux de la politique immobilière de l'État de pénétrer davantage les structures compétentes serait une bonne chose. Il faut pour cela une volonté politique. Cette volonté, nous la constatons. Ainsi, le Premier ministre a décidé l'année dernière de développer dans cinq régions des schémas directeurs immobiliers régionaux (SDIR), ce qui constitue un réel progrès. A la faveur des travaux que France Domaine conduira pour accompagner la réforme des régions, nous étendrons ce dispositif au-delà de ces cinq régions.