La deuxième table ronde, que j'ai présidée, concernait les pistes à envisager pour l'avenir, qu'il s'agisse de la pertinence d'un moratoire ou de la recherche d'alternatives aux adjuvants. Le débat s'est déroulé également dans la sérénité.
Afin d'assurer le bon déroulement du débat, nous avions demandé aux intervenants qui le désiraient d'indiquer s'ils étaient eux-mêmes vaccinés, et s'ils avaient fait vacciner leurs enfants, l'objectif étant de souligner qu'il ne s'agissait pas d'une posture anti-vaccin. La totalité des intervenants ont accepté.
La question relative à la pertinence ou non d'instaurer un moratoire a provoqué un désaccord. Les partisans et les opposants à la mise en place d'un moratoire se sont exprimés, en présentant les rapports bénéfices-risques. Bien qu'elle n'ait pas été tranchée, cette question a pu être évoquée de façon modérée.
Je considère que l'intérêt de cette table ronde a été de réussir à créer un dialogue constructif, et ce de façon sereine.
Par la suite s'est posée la question des vaccins sans adjuvants. Comme l'a rappelé Jean-Louis Touraine, l'efficacité des vaccins devenant alors moindre, la balance risques-bénéfices penche alors dans le sens du risque, ce dernier pouvant être maintenu sans les avantages apportés par les adjuvants.
Le dernier point sensible abordé a été celui des alternatives à l'aluminium. Faut-il trouver une solution alternative à l'aluminium ? Et dans ce cas, quelles seraient les solutions envisageables ?
Le débat a alors porté sur le phosphate de calcium comme adjuvant éventuel. Ce dernier ne comporte cependant pas des avantages équivalents à l'aluminium, tout en générant également des risques. Le point de vue du laboratoire Sanofi nous a été longuement explicité par l'un de ses représentants. Dans la mesure où les résultats relatifs au phosphate de calcium sont contradictoires, Sanofi a décidé de ne pas poursuivre les recherches. Sanofi n'a cependant pas apporté de réponse à la question sur la pertinence de relancer ou non le phosphate de calcium, pour offrir un choix aux patients. En effet, les associations de victimes réclament le droit de pouvoir choisir ou non l'administration de l'aluminium. Ce débat n'a pour autant pas été prolongé.
Enfin les aspects économiques ont été évoqués. Le président de l'association Entraide aux Malades de Myofasciite à Macrophages (E3M) a abordé la question de l'achat des vaccins de l'Institut Pasteur par Mérieux, afin de voir si la rentabilité financière n'avait pas fondé le choix d'un vaccin plutôt qu'un autre. Ce débat s'est néanmoins clos rapidement, du fait des positions diamétralement opposées, entre celle du représentant de Sanofi et celle de l'association E3M.
Un autre argument de nature économique a été à nouveau soulevé par le professeur Yehuda Schoenfeld de l'Université de Tel-Aviv, reprochant aux laboratoires de ne pas investir suffisamment dans la recherche de nouveaux adjuvants.
Malgré ces nombreuses divergences -exprimées de façon mesurée- les intervenants sont toutefois parvenus à un certain nombre de points de consensus.
Il en est de la nécessité d'intensifier la recherche. Malgré la crainte irraisonnable des citoyens, il faut répondre à leurs méfiances en augmentant les recherches sur les effets de l'aluminium, afin de prévenir une baisse éventuelle de la vaccination. Il est important de prévenir tout regain d'une sorte de désobéissance civile qui a eu lieu pendant la campagne de vaccination contre la grippe H1N1. La deuxième demande de recherche porte sur la Myofasciite à Macrophages, et l'amélioration du diagnostic de cette maladie, impliquant une modification dans l'enseignement de la médecine.
D'autre part, les échanges ont fait ressortir la demande de financer la recherche de manière que l'expertise soit la plus indépendante possible, c'est-à-dire financée par des fonds publics. Ensuite, les intervenants se sont accordés pour proposer que les recherches soient pour approfondies dans un cadre pluridisciplinaire.
Le dernier point d'accord propose d'améliorer l'efficacité du système d'alerte concernant les pathologies liées à la maladie Myofasciite à Macrophages, dans la mesure où aucun remède n'existe actuellement. Néanmoins cela pose le problème de la suite à donner à cette alerte. La mise en place d'un système de déclarations sur le site de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) nécessiterait d'instaurer un accompagnement des victimes.
C'est tout à l'honneur du Parlement et de l'Office d'avoir réussi à réaliser ce débat dans de telles conditions. Je vous renvoie aux comptes rendus des interventions qui rendent compte des différents points de vue exprimés. Le problème n'est pas forcément résolu, mais l'audition a répondu à une réelle attente d'écoute et d'intéressement à ces problématiques que l'on a pendant longtemps écartées car elles dérangeaient. L'Office a su adopter une posture différente, en proposant un débat contradictoire et démocratique, là où des logiques concurrentes ont pu s'affronter : celle des victimes qui recherchent une causalité à leurs maux, celle des laboratoires, et celle de la santé publique qui est de vacciner la population. A l'aune du siècle, les vaccins ont tout de même sauvé beaucoup plus de vies que provoqué des aléas. Toutefois mes chers collègues, ce discours fondé sur un raisonnement en probabilités statistiques n'est pas satisfaisant pour les victimes.