Intervention de Pierre-Franck Chevet

Commission des affaires économiques — Réunion du 20 mai 2015 à 10h05
Audition de M. Pierre-Franck Chevet président de l'autorité de sûreté nucléaire asn

Pierre-Franck Chevet, président de l'autorité de sûreté nucléaire :

Nos moyens ont évolué depuis 1974 : nous sommes passés d'une cinquantaine de personnes à cinq cent aujourd'hui mais avec un périmètre d'actions qui n'a cessé de s'élargir. À titre de comparaison, l'autorité de sûreté américaine, qui gère un parc nucléaire deux fois plus important que le nôtre, emploie environ quatre mille personnes, contre mille pour l'ASN et ses appuis techniques.

L'anomalie sur la cuve de l'EPR aurait-elle été détectée il y a dix ans ? Si elle l'a été aujourd'hui, c'est grâce aux contrôles supplémentaires exigés par la nouvelle réglementation, qui prévoit en particulier une vérification le plus en amont possible de la maîtrise des procédés de production mais qui n'était pas pleinement applicable en 2005, lorsque la cuve a été forgée. Il reste que cette anomalie en était déjà une au regard de l'ancienne réglementation : quel que soit le référentiel retenu, les caractéristiques mécaniques observées sont basses. À ce stade, on sait que le procédé d'élaboration des lingots servant à fabriquer la cuve a été modifié pour les EPR français et chinois. Nous avons demandé à Areva de procéder à une revue générale rétrospective de la forge de ces éléments que l'entreprise a confiée à des auditeurs externes dont les premières conclusions sont attendues en juin.

Nous n'avons rien contre le principe d'une autorité européenne unique, si d'aventure les autorités politiques en décidaient la création, mais nous sommes en revanche opposés à tout système intermédiaire où la responsabilité serait diluée entre deux autorités, un « gendarme » européen et un « gendarme » français car un tel système serait dangereux ; en matière de sûreté, il faut que le décisionnaire agisse en pleine responsabilité. Cela n'empêche pas le contrôle régulier par les pairs qui figure parmi les obligations fixées par la directive européenne. En novembre dernier, nous avons ainsi accueilli notre deuxième examen par une équipe composée d'une trentaine de personnes en provenance d'une vingtaine de pays et dont le rapport final est publié sur notre site. Cet examen très approfondi fera l'objet d'une mission de suivi.

Les questions de l'indépendance et des moyens attribués sont effectivement liées. À défaut d'avoir des moyens suffisants, nous serons tenus de mettre de côté certains dossiers, par exemple ceux relatifs à l'amélioration des conditions économiques de fonctionnement des installations sans enjeu de sûreté. J'ai évoqué l'hypothèse d'une taxe affectée mais toute bonne nouvelle budgétaire nous conviendrait ! En outre, il ne s'agirait en aucun cas pour nous d'obtenir une recette automatique puisqu'elle impliquerait nécessairement, comme c'est le cas aux États-Unis, un contrôle très direct par le Parlement qui est essentiel.

Concernant Fessenheim, le projet de loi relatif à la transition énergétique introduit une procédure de fermeture en deux étapes : un constat d'arrêt définitif, établi par décret, puis un plan de démantèlement qui prendra plusieurs années à être établi avant d'engager le démontage physique des installations.

Les problèmes évoqués dans la presse avant l'annonce de l'anomalie constatée sur le couvercle et sur le fond de la cuve de l'EPR de Flamanville s'expliquent par le fait qu'il était question d'anomalies différentes : ainsi EDF avait fait état de problèmes de soudure sur des adaptateurs et la confusion s'explique par le fait que plusieurs anomalies ont été successivement détectées dans des zones très voisines. Quant à nos homologues chinois, ils n'ont pas porté de jugement de valeur mais ont simplement demandé que l'anomalie observée soit traitée.

S'agissant des déclarations dans la presse que vous rappeliez, Monsieur le Président, la découverte d'une fuite dans le couvercle de la cuve de Bugey 3 que j'évoquais tout à l'heure nous a conduit à nous interroger, pendant une semaine, sur la nécessité d'arrêter d'autres réacteurs avant qu'EDF ne mette au point un système qui permette de contrôler l'absence de fuite et d'attendre un arrêt programmé pour un examen plus poussé. Ce scénario est donc plausible car il s'est déjà produit.

Nous ne nous prononçons jamais sur le coût du grand carénage qui correspond du reste à des enjeux de sûreté mais aussi à des enjeux purement industriels, et ce d'autant plus que nous n'aurons une position définitive sur les améliorations de sûreté qu'en 2018, au mieux. Il est vrai que nous sommes régulièrement sollicités pour des interventions, y compris par des analystes financiers comme c'était le cas à Londres mais au même titre que d'autres, l'Agence internationale de l'énergie par exemple, et nous ne disons dans ce cadre rien de plus que ce que nous disons publiquement partout ailleurs.

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