Intervention de Bernard Delcros

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 20 mai 2015 à 9h10
Audition de M. Bernard delAs en vue de sa possible nomination en qualité de vice-président de l'autorité de contrôle prudentiel et de résolution

Photo de Bernard DelcrosBernard Delcros :

S'agissant de la question des conflits d'intérêt, si ma candidature était retenue, je renoncerais bien évidemment à tous mes mandats en France et à l'étranger, ainsi qu'à mes activités de conseil extérieur auprès d'une dizaine de clients qui sont des assureurs français et étrangers. Je les ai d'ailleurs déjà prévenus de cette éventualité. Ma position à l'ACPR serait donc exclusive de toute autre activité et de tout autre mandat.

Concernant le groupe Espirito Santo, j'ai effectivement été, il y a cinq ans, Senior advisor de cet établissement. J'ai acquis cette position à la suite des responsabilités que j'ai exercées au sein du groupe Crédit agricole, qui était un partenaire du groupe Espirito Santo au Portugal. J'ai plus particulièrement exercé ma fonction de conseil au sein de la filiale assurance du groupe, dénommée Tranquilidade Seguros. Cette filiale a donc été mon client au cours des cinq dernières années. J'ai accompagné son équipe dirigeante pour l'aider à restructurer et à transformer cette société d'assurance au Portugal. Mon mandat avec ce client portugais a pris fin en janvier 2015. J'ai en effet accompagné de manière indirecte le régulateur portugais au moment où il a fallu vendre la société Tranquilidade Seguros, privée d'actionnaire du jour au lendemain, à un investisseur international. Son capital a été racheté le 15 janvier dernier par le fonds d'investissement américain Apollo.

En ce qui concerne les pouvoirs de sanction de l'ACPR, cette dernière décide du montant des sanctions à appliquer dans le cadre de la commission des sanctions, qui est indépendante du collège de supervision. Dans le droit actuel, on distingue la situation des banques et celle des assurances. Dans ce dernier secteur, la sanction maximale, exprimée en valeur absolue, s'élève à 100 millions d'euros.

S'agissant des banques, du fait de la directive européenne applicable au monde bancaire dans l'ensemble de la zone euro, les sanctions maximales s'expriment en pourcentage du chiffre d'affaires net des banquiers et non pas en valeur absolue. Si je comprends bien votre question, vous souhaitez savoir si, à titre personnel, je serais favorable à ce que l'on évolue vers une harmonisation en ce domaine. Mon premier réflexe serait de répondre positivement. Il ne semble en effet pas y avoir de raison d'avoir des normes distinctes pour les banques et les assurances, à condition cependant de traiter quelques problèmes techniques afférents. Il conviendrait notamment de bien s'entendre sur la définition adéquate du chiffre d'affaires.

On peut évoquer d'autres sujets sur la politique de sanction de l'ACPR. En matière juridique, il faudrait probablement évoluer vers une harmonisation avec les pratiques de l'Autorité des marchés financiers, les deux autorités collaborant étroitement sur de nombreux sujets.

Je pense par exemple à la possibilité d'appliquer à la fois une sanction administrative et une sanction pénale. Toutefois, l'ACPR est sans doute moins susceptible d'être confrontée à des conflits entre une sanction disciplinaire et une sanction pénale, compte tenu de son rôle. Mais ce sont effectivement des sujets qui sont sur la table et sur lesquels je me montrerais vigilant si j'étais nommé à la vice-présidence de l'ACPR.

Concernant les contrats luxembourgeois, il est vrai qu'une part limitée de l'activité, notamment pour les clients disposant d'un contrat d'un montant moyen élevé, est confiée à des assureurs luxembourgeois, lesquels s'avèrent même parfois être des filiales de groupes bancaires ou d'assurance français ou étrangers. Pour autant, un souscripteur d'un contrat d'assurance vie vendu en France est soumis à la réglementation juridique et fiscale française, quelle que soit la société d'assurance qui porte le risque. En revanche, une fiscalité différente s'applique effectivement aux sociétés d'assurances, en particulier s'agissant de l'imposition sur les sociétés. En Europe, il existe malheureusement encore des différences de fiscalité entre les pays qu'il conviendrait certainement d'atténuer au cours des prochaines années.

En réponse à Éric Bocquet, s'agissant de l'efficacité de la supervision des banques et des assurances, je suis convaincu que la situation s'est effectivement améliorée à la suite des dernières dispositions législatives adoptées. Le dispositif actuel offre des garanties en termes de solidité et de sécurité des acteurs. Est-ce, pour autant, qu'il sera suffisant pour éviter de nouvelles crises ? Certainement pas, mais il permettra de nous y préparer mieux et peut être d'en limiter l'impact. Les crises appartiennent nécessairement au système, elles seront d'autant plus violentes et auront une vitesse de propagation d'autant plus forte que nos économies sont ouvertes à l'international. C'est la raison pour laquelle il est nécessaire de s'y préparer au mieux et d'agir avec prudence, même si les procédures sont parfois lourdes pour les acteurs.

Je souhaite d'ailleurs préciser qu'une crise dans le secteur bancaire a un caractère généralement plus systémique que dans celui des assurances. Le risque de propagation au reste de l'économie est plus grand pour une banque qui a des difficultés que pour une société d'assurance dont les engagements et les placements sont de plus long terme et qui a généralement davantage de temps pour gérer les effets de la crise. La problématique de la liquidité est essentielle pour les banquiers, bien plus relative pour les assureurs.

Pour répondre à Maurice Vincent, j'ai effectivement le sentiment que l'ACPR s'intéresse depuis plusieurs années, et devra continuer à le faire à l'avenir, aux modalités selon lesquelles les clients des établissements bancaires et des sociétés d'assurances sont informés du contenu de leurs contrats, des risques encourus... À mon sens, leur information doit d'ailleurs encore être améliorée et cela constituera un axe prioritaire de mon action si j'accède aux fonctions de vice-président de l'ACPR, compte tenu de mon expérience passée.

Concernant les contrats en déshérence, madame la Présidente, le droit n'a pas toujours été correctement appliqué et l'ACPR a procédé à des contrôles qui ont conduit à dresser des constats et même à infliger des sanctions significatives à trois groupes d'assurances.

La loi du 13 juin 2014 relative aux comptes bancaires inactifs et aux contrats d'assurance vie en déshérence, dite « loi Eckert », qui entrera en vigueur le 1er janvier 2016, a renforcé les obligations des sociétés d'assurance. Celles-ci réalisent un important travail afin de se conformer aux dispositions de cette loi. Les résultats devraient pouvoir être constatés dans le rapport au Parlement que l'ACPR est censée remettre avant le 1er mai 2016.

S'agissant de votre question sur le risque de déstabilisation des assureurs français et européens compte tenu du contexte actuel de taux d'intérêt très bas, il est évident que, notamment pour le secteur de l'assurance vie, la situation n'est pas aisée. En effet, soit l'assureur recherche un placement rentable, qui s'avère alors risqué et susceptible de remettre en cause la stabilité du système ou, a minima, de certains acteurs du marché, soit il se contente d'un investissement prudent au rendement bien plus faible qui ne permettra pas de servir un taux moyen de rendement suffisant. Ainsi, lorsque les taux des titres souverains s'établissent à 1 %, il n'est pas possible d'obtenir un taux moyen de rendement tel que constaté l'an dernier de 2,5 % pour les contrats d'assurance vie. Seul l'existence d'un stock de placements plus ancien et à rendement plus élevé a permis cela en 2014. Lorsque ceux-ci auront été, au fur et à mesure remplacés, par des placements à plus faible rendement, ces taux seront intenables.

Si les taux bas devaient perdurer, leur suivi constituerait l'un de mes dossiers les plus préoccupants dans le cadre de mes nouvelles compétences au sein de l'ACPR.

Les assureurs français encourront encore plus de risques si les taux d'intérêt devaient augmenter, surtout si cette remontée était brutale. Ils se retrouveraient ainsi à vendre des obligations en moins-values et à enregistrer des pertes afin d'honorer des rachats d'assurance vie à des clients qui voudraient réaliser des placements plus rentables. Si ce risque doit faire l'objet d'une attention particulière sur le marché français, les taux bas sont encore plus problématiques en Europe du Nord, dans la mesure où une pratique répandue consiste à retenir des taux garantis qui s'avèrent alors extrêmement difficiles à respecter pour les assureurs. La seule solution est de disposer de fonds propres toujours plus importants.

S'agissant de la séparation des activités bancaires, je ne suis pas en mesure de m'exprimer à ce stade. Si je connais, bien sûr, la loi du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires, je ne connais pas la pratique des établissements. Toutefois, si je suis nommé à mes nouvelles fonctions à l'ACPR, je serai sans doute à même de vous répondre à l'occasion d'une nouvelle audition dans quelques mois.

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