Comme chaque année à la même période, nous examinons aujourd'hui le bilan de la mise en application des lois relevant de notre commission pour la session écoulée, c'est-à-dire 2013-2014.
Le contrôle de l'application des lois est une mission qui nous incombe depuis toujours car rien ne sert de voter la loi si les mesures que nous adoptons ne sont pas mises en oeuvre ou qu'elles le sont mal ou partiellement seulement.
Je le rappelle notamment à l'attention de nos collègues qui ont été élus lors du dernier renouvellement sénatorial, que si l'application des lois fait l'objet d'un suivi depuis longtemps, ce contrôle s'est peu à peu affirmé et renforcé.
À l'origine, il s'agissait plutôt d'un bilan comptable : combien de textes d'application étaient prévus, combien étaient parus. En ressortait un pourcentage d'application de la loi. Mais il arrive fréquemment que des mesures d'application - notamment des décrets - non prévues à l'origine soient prises. En outre, nous sommes souvent tentés de demander un rapport sur tel ou tel sujet, ne serait-ce que pour contourner certaines dispositions constitutionnelles. Je pense, en particulier, à la rigueur de l'article 40 de la Constitution, qui nous interdit d'augmenter une dépense. Dès lors, il nous appartient aussi de veiller à ce que le rapport demandé soit effectivement remis.
Le contrôle de la parution des textes d'application ou des rapports renvoie évidemment à la question des délais. Des efforts ont été accomplis par les gouvernements successifs et un texte de loi s'accompagne désormais d'un calendrier de parution des mesures d'application.
En pratique, des retards sont encore constatés, sans qu'ils incombent nécessairement au Gouvernement. Ainsi la parution du décret d'application de l'article de la loi de modernisation de l'audiovisuel relatif aux parts de coproduction, adopté à l'initiative de notre commission, était prévue pour juin 2014. Il est finalement paru le 27 avril dernier.
Autre élément à prendre en compte : les changements d'orientation politique intervenus entre le vote de la loi et l'évaluation de l'application de la loi.
Je ne prendrai qu'un exemple, celui de l'école : nous serons sans doute tous d'accord pour considérer qu'après le vote de la loi sur la refondation de l'école, il est devenu quelque peu illusoire d'attendre les textes réglementaires non encore parus de la loi d'avril 2005 pour l'avenir de l'école.
Enfin, notre appréciation de l'application des textes soumis à l'examen de notre commission doit prendre en compte l'évolution des technologies, très rapide dans le secteur des médias qui relève de notre compétence. Dernier exemple en date, lors de notre table ronde de la semaine dernière sur la radio, un intervenant s'est ému de l'absence de déploiement d'une offre de télévision mobile personnelle, pourtant prévu par la loi du 5 mars 2007 relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur. À ceci près que, depuis lors, une autre technologie a émergé, celle de l'Internet mobile, qui permet déjà de regarder la télévision sur smartphone ou « téléphone intelligent ».
Après ces remarques d'ordre général, je crois pouvoir, mes chers collègues, dresser un bilan plutôt satisfaisant des conditions de mise en oeuvre des textes dont nous avons été saisis, puisque le délai moyen de leur mise en application tend à diminuer, même s'il reste élevé puisqu'il est supérieur à un an dans 87 % des cas (tous les chiffres précis figurent dans le document détaillé qui nous a été remis).
En revanche, sur le plan de la procédure, comme les années précédentes, on ne perçoit pas de différence dans le rythme de mise en application des lois selon qu'elles ont été examinées en procédure accélérée ou pas.
Le bilan détaillé montre que la plupart des mesures prises au cours de la session écoulée l'ont été pour l'application de la loi pour la refondation de l'école de la République et la loi sur l'enseignement supérieur et la recherche, adoptées au printemps 2013.
Dans le secteur de la culture, aucune loi n'a été adoptée et deux anciennes lois sont toujours en attente de mesures d'application. Je vous renvoie, sur ce point, à la page 32 du rapport.
Tous les textes adoptés au cours de la session 2013-2014 concernaient le secteur des médias.
Les deux textes - loi organique et loi - relatifs à l'indépendance de l'audiovisuel public sont partiellement appliqués. Ainsi, le 12 janvier dernier, nous avons donné un avis favorable à la proposition de nomination, par le Président du Sénat, aux fonctions de membre du Conseil supérieur de l'audiovisuel, dans les conditions nouvelles de majorité définies par la nouvelle loi.
La loi du 8 juillet 2014 encadrant la vente à distance des livres (dite « loi anti-Amazon » pour certains) est entrée en application et l'ordonnance modifiant les dispositions du code de la propriété intellectuelle relatives au contrat d'édition a été prise le 12 novembre 2014.
La loi du 27 février 2014 harmonisant les taux de TVA applicables à la presse imprimée et à la presse en ligne - en clair l'application du taux de 2,1 % aux services de presse en ligne - présente un cas de figure différent : la loi est appliquée, mais chacun sait qu'elle pourrait potentiellement être remise en cause par une décision de la Cour de justice de l'Union européenne, à l'instar de ce qu'elle a décidé, par décision du 5 mars 2015 en matière de TVA applicable au livre numérique, considéré comme un service électronique et donc taxé au taux normal.
Un mot, pour terminer cette analyse sectorielle, sur les lois relatives au sport : deux d'entre elles restent partiellement inappliquées. Vous les retrouverez page 37 du rapport. Dans la perspective du déplacement que certains d'entre nous effectueront demain à Roland-Garros, je mentionnerai simplement l'absence de parution du décret en Conseil d'État précisant des conditions d'application des mesures d'accompagnement compensatoires ou correctrices en cas d'atteinte aux espaces, sites et itinéraires des sports de nature.
Au-delà de ces aspects chiffrés, nous sommes tous attachés à assurer le contrôle de l'application des lois en menant à bien différents travaux d'information. C'est une tradition de notre commission, et je suis très attachée à ce qu'elle se poursuive.
C'est à ce titre que nous avons organisé très récemment une table ronde sur culture et handicap. Dix ans après l'adoption de la loi du 11 février 2005 relative à l'égalité des droits et des chances, nous avons pu constater le chemin qui reste à parcourir.
Je rappelle que, d'ici quelques semaines, nos collègues Colette Mélot et Jacques-Bernard Magner nous remettront leurs conclusions sur la mise en oeuvre des écoles supérieures du professorat et de l'éducation, qui avait fait l'objet d'un premier rapport l'année dernière. Nos collègues Corinne Bouchoux et Loïc Hervé nous livreront leurs diagnostics sur l'avenir de la HADOPI et notre rapporteur Jean-Pierre Leleux, conjointement avec André Gattolin, au nom de la commission des finances, dresseront un bilan détaillé et formuleront, le cas échéant, des propositions sur l'avenir du financement de l'audiovisuel public.
Autre forme de contrôle, au long cours cette fois, la participation au comité de suivi des lois. Deux concernent notre commission :
- le comité du suivi de la mise en oeuvre de la numérisation des cinémas, où nous représentent Dominique Gillot et Jean-Pierre Leleux ;
- le comité de suivi de la loi de refondation de l'école de la République, dont quatre de nos collègues sont membres (Dominique Bailly, Marie-Annick Duchêne, Brigitte Gonthier-Maurin et Michel Savin).
Voici, mes chers collègues, quelques éléments très concrets que je voulais porter à votre connaissance, sachant que, dans la droite ligne des orientations fixées par le Président du Sénat, il nous faut exercer pleinement notre fonction de contrôle de l'action du Gouvernement.
Dernière précision, c'est à notre collègue Claude Bérit-Débat, président de la délégation du bureau du Sénat au travail parlementaire, au contrôle et aux études, qu'incombe la synthèse annuelle de l'application des lois pour les différentes commissions. Cette synthèse fera l'objet d'un débat le 11 juin prochain ainsi qu'en a décidé la conférence des présidents.