Il est hypocrite de dire que les monarchies sunnites du Golfe sont étrangères à Daesh. On peut discuter des voies que le soutien au « Califat » a pu prendre mais il est réel sur le plan idéologique, y compris de la part d'une partie importante du monde musulman sunnite. Certaines autorités dans la région en ont d'ailleurs profité pour exfiltrer leurs dissidences internes, critiques des familles régnantes dont la légitimité est mise en cause. Le problème du retour de ces opposants convertis au djihadisme salafiste commence néanmoins à se poser. La réaction actuelle de certaines autorités sunnites, notamment dans la péninsule, s'apparente finalement à celle du créateur de Frankenstein qui perd le contrôle du monstre qu'il a façonné. Des camps de réhabilitation des djihadistes ont été mis en place dans ces pays, par exemple en Arabie saoudite, mais les résultats sont peu probants. Une partie de la jeunesse est à la dérive dans ces pays, même si l'Occident ne le perçoit pas. Il existe bien des liens : ainsi, durant l'occupation, les prédicateurs irakiens les plus radicaux trouvaient des relais en Arabie saoudite et dans d'autres monarchies du Golfe, et y occupaient le devant de la scène médiatique.
En ce qui concerne l'Iran, il faut cesser de caricaturer la situation en opposant des soi-disant gentils et des soi-disant méchants. Il existe des rapports de force entre les différents pays de la région, des surenchères identitaires et des guerres par procuration. Il est illusoire, comme le souhaitait le Président Obama, de tenter de « régionaliser » le règlement de la crise. L'Iran exerce un droit de veto de fait sur les nominations au sein du gouvernement irakien, lequel a besoin de l'appui de Téhéran et des milices qui lui sont adossées pour se maintenir au pouvoir.
Personnellement, je suis plutôt critique de la politique menée par la France, qui ne développe pas réellement de politique envers l'Irak et le Moyen-Orient. Il est indispensable de repenser notre stratégie. Voici un exemple : nous parlons en permanence d'inclusivité, mais ce terme en vogue ne signifie rien pour les Irakiens ! Les différentes personnalités auxquelles on pourrait penser pour intégrer un gouvernement « inclusif » n'ont en fait aucune légitimité, aucun relais sur le terrain. Or, il est nécessaire de redonner de la sécurité à la population pour qu'elle puisse faire confiance à nouveau dans des autorités. Pour cela, il faut s'appuyer sur les notables locaux, les tribus, les officiers, comme cela a été fait, avec succès, en 2007-2008.