Le Premier ministre lui-même nous a fixé des orientations, au premier rang desquelles l'accès des PME à la commande publique, et la recherche d'une meilleure utilisation stratégique de la commande publique au service de l'économie.
Je tiens à rappeler que l'Union européenne n'a pas fait les mêmes choix que les États-Unis, qui, avec le Small Business Act, ont institué une forme de réservation d'une partie des marchés publics à leurs PME. Les Américains ont revendiqué ce droit auprès de l'organisation mondiale du commerce (OMC), ce que n'a pas fait l'Union européenne. Le débat a bien eu lieu au sein de l'Union, mais tous les États membres ne partagent pas la position française. Cela étant, les travaux conduits sur le sujet - je pense notamment au rapport Stoleru de 2008 - montrent que nonobstant cette différence d'approche juridique de part et d'autre de l'Atlantique, les situations concrètes ne diffèrent pas autant qu'on pourrait le penser. En effet, les taux d'accès respectifs des PME aux marchés publics aux États-Unis et en Europe sont proches.
Le droit de l'Union européenne avait, avant même les directives de 2014, fait un pas en faveur de l'allotissement. Les autorités françaises se sont d'ailleurs battues, lors de la négociation de ces nouvelles directives, afin que soit maintenue la possibilité pour les États membres d'imposer cet allotissement aux acheteurs, quand d'autres États, face à elle, considéraient que le seul critère qui vaille est celui du meilleur prix.
L'intention du Gouvernement est de faire jouer ce principe plus avant encore que ne l'y autorise, depuis 2006, le code des marchés publics, comme en témoigne le projet d'ordonnance versé à la consultation à la fin de l'année dernière. Cette ordonnance gouvernera l'ensemble des marchés publics. Les acheteurs des secteurs dits « spéciaux » relevant de l'ordonnance de 2005 auront ainsi des contraintes supplémentaires d'allotissement. Ils ont certes manifesté, lors de la consultation, quelques inquiétudes, mais l'intention ferme du ministre de l'économie est d'aller clairement vers une extension de l'allotissement. L'étude d'impact versée à la consultation publique estime à 1 milliard d'euros, voire plus, la part supplémentaire de la commande publique qui s'en trouverait ouverte aux TPE et PME grâce à cette mesure.
L'autre grande voie qui nous est ouverte est, ainsi que vous le soulignez, celle de la simplification des procédures de marché. Le coût pour une PME d'une candidature à un marché est sans commune mesure avec ce qu'il représente pour une grande société. Tous les dirigeants de petites et moyennes entreprises le disent : il leur reste très difficile de se porter candidat, parce que cela suppose de constituer un lourd dossier administratif. Nous avons donc un travail à mener en faveur de la simplification. Les directives de 2014, ainsi que vous l'avez rappelé, nous ont déjà permis de limiter les exigences financières faites aux candidats : le Gouvernement, par un décret du 26 septembre 2014, a intégré cette mesure dans le code des marchés publics et, depuis cette date, l'acheteur ne peut exiger du candidat un chiffre d'affaires supérieur au double du montant prévisionnel du marché. Il est encore un peu tôt pour mesurer l'effet concret de cette mesure, mais elle a été très favorablement accueillie par les intéressés. Nous avons, dans le même décret, fait un premier pas vers la simplification du dossier de candidature, en intégrant dans le code des marchés publics le principe du « dites-le nous une seule fois », qui interdit à l'acheteur de réclamer à une entreprise des pièces dont il dispose déjà par ailleurs. Et nous entendons, dans les textes à venir, franchir de nouvelles étapes en ce sens.
On peut en effet, dans le respect du droit de l'Union européenne, aller plus loin. D'abord, en établissant une relation de confiance au stade de la candidature. Concrètement, quand l'entreprise se présente à l'acheteur public pour dire qu'elle est intéressée par une consultation, au lieu d'avoir à constituer un dossier administratif exigeant de nombreuses pièces, elle doit pouvoir déclarer sur l'honneur qu'elle satisfait aux exigences fiscales et sociales imposées. La directive « marché » prévoit ainsi un document unique de marché européen, le DUME. Si, bien sûr, l'entreprise devait être désignée attributaire, tous les contrôles seraient effectués. Et si elle n'était pas en mesure de faire la preuve qu'elle répond aux exigences demandées, c'est alors l'entreprise suivante dans le classement de la consultation qui pourrait se voir attribuer le marché. Cette procédure simplifiée permet à l'entreprise de consacrer ses efforts à son offre, sans l'embarrasser de trop lourdes exigences administratives au stade de la candidature.
Ce document unique de marché européen doit être défini par un acte d'exécution de la Commission européenne. Prévu en 2014, il n'a pas encore été publié. Nous sommes mobilisés pour faire avancer les choses. Une première version, présentée au début de l'année, a été versée à la consultation nationale que j'ai évoquée précédemment. Elle n'a pas entièrement donné satisfaction aux parties prenantes. Les acheteurs, en particulier, estiment le projet de DUME encore trop complexe. Le Premier ministre a écrit à la commissaire chargée du marché intérieur et de l'industrie pour plaider en faveur de sa simplification, et les travaux engagés à Bruxelles vont dans le bon sens : ce document sera, in fine, beaucoup plus simple qu'il n'était initialement prévu. L'objectif de la Commission est qu'il s'applique aux marchés les plus importants, les États restant libres, en dessous des seuils fixés par l'Union, de s'en exempter. Mais, s'il est suffisamment simple, nous pourrions envisager de l'appliquer à l'ensemble des procédures.
Cette question mérite d'être appréhendée en lien avec un autre chantier du Gouvernement, celui du marché public simplifié. Il s'agit, dans la logique du « dites-le nous une seule fois », de mettre au point des outils permettant à l'acheteur de se procurer les attestations requises sans même avoir à les réclamer à l'entreprise, grâce à une mise en relation des bases de données de l'administration fiscale et des caisses de sécurité sociale. L'expérimentation est déjà largement engagée. Au premier stade de la candidature, l'entrepreneur n'aura ainsi qu'à produire son numéro de Siret, à partir duquel l'acheteur obtiendra automatiquement les informations requises.
En combinant ces deux démarches, on peut mettre en place une procédure très simplifiée, et qui facilitera de surcroît les procédures de contrôle. Le décret d'application de l'ordonnance de transposition des directives « marchés » devra permettre d'avancer en ce sens.
Bien évidemment, d'autres initiatives, comme la constitution de groupements d'entreprises pour répondre à un marché public, contribuent aussi à un meilleur accès des PME à la commande publique, et méritent de prospérer.
Si donc le droit de l'Union européenne ne permet pas de procéder par voie de réservation en faveur des TPE et PME, sauf dans des domaines limités comme celui de l'économie sociale et solidaire, il nous offre, grâce à l'allotissement et à la simplification des procédures, des leviers d'action efficaces.