Intervention de Christine Pires Beaune

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 27 mai 2015 à 9h02
Audition de Mme Christine Pires beaune députée : présentation des travaux de la mission confiée par le premier ministre sur la réforme des concours de l'état aux collectivités territoriales

Christine Pires Beaune, parlementaire en mission :

Ce n'est pas moi qui devrais être devant vous ce matin pour vous présenter les pistes - et non les conclusions - de la mission parlementaire relative à la réforme de la dotation globale de fonctionnement (DGF). Vous le savez, le Premier ministre avait nommé un binôme composé de Jean Germain et de moi-même pour mener à bien ce travail. Nous étions arrivés, avec Jean Germain, à un stade qui me permet de vous présenter les pistes envisagées tout en étant sûre de ne pas trahir sa pensée. Pour beaucoup de ces pistes, nous nous sommes inspirés des travaux du Sénat, et en particulier du rapport de Jean Germain de 2013 sur la proposition de loi tendant au traitement équilibré des territoires par une réforme de la dotation globale de fonctionnement.

Selon la lettre de mission du Premier ministre, les objectifs de cette mission étaient d'étudier les modalités d'une réforme de l'ensemble des concours financiers de l'État aux collectivités territoriales, en poursuivant un double objectif de justice et de simplification. Cette réforme doit être menée indépendamment de la baisse des dotations, bien que celle-ci ne puisse pas être occultée. Les simulations qui sont en cours tiendront évidemment compte de cette baisse, ne serait-ce que pour être sûr de la soutenabilité des pistes de réforme proposées. Compte tenu du temps imparti de cinq mois, nous avons choisi de nous concentrer sur la DGF du bloc communal. Le rapport doit être remis fin juin ou début juillet au Premier ministre, en vue d'une réforme à l'occasion du projet de loi de finances pour 2016.

Nous avons mené jusqu'à présent 66 auditions ou réunions de travail avec les ministres et les administrations concernés, les associations d'élus, les groupes politiques du Parlement, des universitaires ainsi que des consultants. Nous avons présenté au comité des finances locales (CFL), le 31 mars 2015, un état des lieux de la DGF du bloc communal puis, le 5 mai 2015, les pistes de réforme que nous allons soumettre à simulation.

Pour que cette réforme réussisse, il convenait d'abord de réaliser un état des lieux exhaustif et objectif - celui que nous avons présenté n'a pas fait débat -, puis de recueillir un consensus sur les grands principes qui doivent guider la réforme. Voici les principes que nous avons retenus. Premièrement, il convient de rendre la DGF plus juste, en réduisant les écarts injustifiés de dotations perçues par les collectivités afin que la DGF soit le reflet des charges et des ressources réelles des territoires et non plus une « rente » justifiée par l'histoire. Il faut également veiller à un développement équilibré des territoires, en tenant compte des charges de centralité mais aussi des charges de ruralité, recentrer et mieux articuler les dispositifs de péréquation financière, qui font aujourd'hui l'objet d'un saupoudrage.

Deuxièmement, la DGF doit être plus simple et plus lisible pour les élus. Beaucoup d'entre eux nous ont fait part de leur grande difficulté pour comprendre le calcul du montant de DGF qu'ils perçoivent et comment s'expliquent les écarts entre les collectivités. Il est donc nécessaire d'utiliser des critères de ressources et de charges robustes et pertinents sur le long terme, afin de donner davantage de visibilité aux élus.

Un troisième principe consiste à se doter d'une DGF qui reflète la réalité, qui prenne notamment en compte le fait intercommunal et le quasi-achèvement de la carte intercommunale, si l'on met de côté l'Île-de-France.

Enfin, il faut s'assurer que la réforme soit soutenable, ce qui implique de conduire des simulations financières précises à partir de la répartition de la DGF en 2015 et surtout de lisser la réforme sur un certain nombre d'années, qu'il faudra déterminer, afin qu'elle soit effectivement « absorbable » par les collectivités. Cela implique enfin de prévoir un mécanisme transitoire, c'est-à-dire un mécanisme de « cliquet » permettant aux collectivités de ne pas perdre plus qu'un certain pourcentage ou montant de dotation d'une année sur l'autre, afin d'éviter une chute brutale de leurs ressources.

Nous ne nous sommes pas encore intéressés à la DGF des départements étant donné la récente tenue des élections départementales. Quant aux régions, la nouvelle carte régionale nous incite à être prudents et à prendre du recul avant de faire des propositions sur la DGF qui leur est versée.

Afin de dresser le bilan de la DGF, nous sommes partis de sa finalité à l'origine, c'est-à-dire la compensation de la suppression de ressources fiscales, pour aboutir à celle qui nous semble devoir prévaloir aujourd'hui : la compensation des charges de fonctionnement qui résultent des transferts de compétence de l'État.

La péréquation occupe aujourd'hui une part importante et a crû de 3 milliards d'euros entre 2004 et 2014. Dans la mesure où la DGF constitue un prélèvement sur les recettes de l'État, elle est nécessairement libre d'emploi, ce qui veut dire qu'elle peut être utilisée comme les élus l'entendent pour le fonctionnement de leurs collectivités.

L'architecture actuelle de la DGF est complexe et utilise des critères d'éligibilité et de répartition assez nombreux : trente pour le bloc communal, quinze pour les départements et neuf pour les régions.

La DGF des communes représente en 2015 un montant de 14,5 milliards d'euros. Nous avons calculé les écarts-types qui existent par strates démographiques de communes, afin de combattre l'idée reçue selon laquelle les communes rurales perçoivent beaucoup moins de DGF que les communes urbaines. Ce calcul montre que les écarts sont beaucoup plus marqués entre les communes d'une même strate. Par exemple, pour la strate de 0 à 499 habitants, l'écart-type est de 103 euros. Pour six strates de communes, il existe des écarts-types supérieurs à 100 euros. La première des injustices se situe donc à l'intérieur des strates démographiques, avec des rapports de 1 à 2 ou de 1 à 3 entre des communes dans la même situation en termes de population, de revenus par habitant et de potentiel fiscal. Nous avons cherché à savoir d'où venaient ces écarts-types et nous nous sommes aperçus qu'ils sont surtout dus au complément de garantie, dont l'écart-type moyen est de 61 euros, et à la dotation de compensation. Ainsi, pour les communes de 100 000 à 300 000 habitants, le complément de garantie varie selon les communes entre 10 euros et 200 euros par habitant. Pour les communes de 20 000 à 50 000 habitants, la situation identique. Par exemple, Martigues ne perçoit rien au titre du complément de garantie tandis que Vichy reçoit 392 euros par habitant.

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