Intervention de Christine Pires Beaune

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 27 mai 2015 à 9h02
Audition de Mme Christine Pires beaune députée : présentation des travaux de la mission confiée par le premier ministre sur la réforme des concours de l'état aux collectivités territoriales

Christine Pires Beaune, parlementaire en mission :

Exactement, c'est ce que j'ai qualifié de « rente » de l'histoire.

Les dotations de péréquation des communes ont augmenté de 135 % entre 2004 et 2015. Près de 98 % des communes ont perçu une dotation de péréquation en 2014. Près de 97 % des communes sont éligibles à la dotation de solidarité rurale (DSR), et 75 % des communes de plus de 10 000 habitants sont éligibles à la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale (DSU).

La DGF des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) représente en 2015 un montant de 6,51 milliards d'euros. Nous avons fait le même constat que pour les communes : les écarts-types sont importants par strate démographique, avec une moyenne de 42 euros d'écart de DGF par habitant tous EPCI confondus. Là encore, ces écarts sont davantage liés à la dotation de compensation, dont l'écart-type moyen est de 36 euros, qu'à la dotation d'intercommunalité, dont l'écart-type est seulement de 18 euros. S'agissant des critères de répartition de la DGF des EPCI, nous considérons qu'ils ne sont pas toujours pertinents et qu'ils sont en tout cas insuffisants pour appréhender le niveau réel d'intégration d'un EPCI.

Aujourd'hui, les DGF des communes et des EPCI sont fortement imbriquées et l'architecture manque de lisibilité. D'où une solution que je présenterai tout à l'heure qui consiste à bien différencier la DGF des communes et la DGF des EPCI.

J'en viens maintenant aux pistes de réforme. La mission a fait le choix d'identifier plusieurs leviers, plutôt que de présenter classiquement des scénarii clés en main. Cinq leviers ont été identifiés ; certains pourront s'articuler entre eux tandis que d'autres sont exclusifs les uns des autres. Ces pistes de réforme ne figureront pas dans le rapport final tant qu'elles n'auront pas fait l'objet de simulations complètes.

Le premier levier est la rénovation de la dotation forfaitaire des communes. En 2014, cette dotation comportait cinq composantes : une dotation de base, une dotation de superficie, une dotation « parcs nationaux et parcs naturels marins », une dotation de compensation et un complément de garantie. La loi de finances pour 2015 a procédé à la consolidation de toutes ces composantes. Le résultat parait simple et bien moins complexe puisqu'il n'existe plus que la dotation forfaitaire de l'année n-1 et sa validation en fonction de l'évolution de la population. Mais nous considérons qu'il ne s'agit que d'une simplification de façade qui a consolidé l'existant et donc les injustices.

Pour rénover la dotation forfaitaire, il est proposé de revenir à quatre composantes. La première composante, appelée « dotation universelle de fonctionnement », doit permettre de verser une somme par habitant à toutes les communes. C'est ce que, lors de l'examen de la proposition de loi tendant au traitement équilibré des territoires dont j'ai parlé précédemment, Marie-France Beaufils avait appelé le « minimum à vivre » ou Charles Guené le « minimum vital ». Il s'agit d'un montant par habitant permettant de financer un socle minimal de services.

La deuxième composante, appelée « dotation charges de centralité », permettrait de tenir compte de ces charges, à travers la population pondérée, en réutilisant le coefficient logarithmique, qui n'est pas, je le rappelle, celui qui crée le plus d'injustices. Cette dotation serait versée à partir d'un seuil démographique à déterminer.

La troisième composante, appelée « dotation charges de ruralité », serait versée uniquement aux communes dont la population ne dépasse pas un certain seuil à déterminer. Elle pourrait être calculée en fonction de critères ciblés, comme la densité, le nombre d'enfants scolarisés ou la longueur de voirie - ces critères permettant de prendre en compte les « mètres carrés précieux », c'est-à-dire de valoriser les territoires peu denses dans un souci de préservation de notre patrimoine. Par ailleurs, les bonifications dont bénéficient aujourd'hui les communes de montagne, les communes insulaires et les communes d'outre-mer seraient préservées.

La quatrième et dernière composante serait la « dotation de transition », qui permettrait de lisser les effets de la réforme sur une période à déterminer de cinq, dix ou quinze ans. Elle pourrait également permettre de financer la progression de la péréquation et l'augmentation de la population et être utilisée en tout ou partie comme vecteur pour la contribution au redressement des comptes publics.

Le deuxième levier concerne la péréquation verticale. L'idée est de rénover la DSU et la DSR et de supprimer la dotation nationale de péréquation (DNP), dont le montant de 700 millions d'euros abonderait les enveloppes de DSU et de DSR. Aujourd'hui, seules 82 communes ne perçoivent que la DNP, toutes les autres percevant également soit la DSU, soit la DSR, soit les deux pour certaines d'entre elles. Il s'agit également de renforcer le caractère péréquateur de la dotation d'aménagement des communes d'outre-mer (DACOM).

Aujourd'hui, il existe une péréquation verticale à travers la DSU, la DSR et la DNP, ainsi que des dispositifs de péréquation horizontale. Il faut avoir une vision consolidée de ces mécanismes afin de déterminer les éventuels effets contre-péréquateurs ou sur-péréquateurs.

852 communes sont bénéficiaires de la DSU, divisées entre communes de plus de 10 000 habitants et communes dont la population est comprise entre 5 000 et 10 000 habitants. L'effet de seuil de la DSU « cible » est très important : la 250e commune éligible perçoit 144 464 euros tandis que la commune classée 251e ne perçoit rien. Il est également important de rappeler que les communes qui bénéficient de la DSU « cible » font l'objet d'un traitement dérogatoire à l'égard du fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC) puisqu'elles sont exonérées de contribution.

La DSR se compose de trois fractions : la fraction « bourg-centre », la fraction « péréquation » et la fraction « cible », avec un montant minimum versé à une commune de 73 euros. Là aussi, il existe un effet de seuil important s'agissant de la fraction « cible » : la 10 000e commune éligible perçoit 2 343 euros tandis que le 10 001e commune ne perçoit rien. L'idée proposée est de garder la fraction « bourg-centre » et de fusionner les fractions « péréquation » et « cible ». La fraction « cible » serait remplacée par un coefficient de majoration.

Le troisième levier concerne la création d'une DGF des intercommunalités, indépendante de la DGF des communes. Celle-ci serait construite sur le même principe que la DGF des communes avec une dotation universelle, une dotation de péréquation, une dotation d'intégration et de mutualisation et une dotation de transition afin de lisser la réforme dans le temps.

Le quatrième levier est la « DGF locale ». Je connais les réticences exprimées par certaines associations d'élus ; elles ont bien été entendues. Il me semble toutefois important d'explorer cette piste, qui n'est pas synonyme de disparition des communes. L'idée est qu'une part de la DGF, plus ou moins importante selon le scénario retenu, puisse être répartie par les élus du territoire, qui le connaissent mieux que personne et pourraient choisir des critères en lien avec leurs spécificités. Un tel dispositif n'est bien sûr pas concevable sans des garanties fortes pour les communes, prévues par la loi. La DGF continuerait bien à être versée par l'État aux communes, sauf décision contraire du territoire.

Si l'on décidait de territorialiser la part péréquation, cela poserait effectivement la question du devenir du FPIC, qui pourrait être intégré afin de fusionner ces dispositifs. Il faudrait également accorder une attention particulière aux délais de notification des montants de DGF. Il est important, lorsque l'on choisit des critères, de savoir si la direction générale des collectivités locales (DGCL) pourra rapidement fournir les informations concernant les montants.

Nous avons identifié trois scénarios de « DGF locale ». Quels que soient les scénarii retenus, une part ne serait jamais territorialisée : il s'agit de la dotation universelle de fonctionnement, qui serait sanctuarisée. Une première option serait de territorialiser les composantes charges de centralité, charges de ruralité et la dotation de transition des communes ainsi que la dotation de transition des EPCI. Une deuxième option serait de territorialiser uniquement les dotations de péréquation des communes et des EPCI. La troisième option irait plus loin en territorialisant l'ensemble des composantes des première et deuxième options. Enfin, une quatrième option est apparue : il s'agirait de territorialiser uniquement les dotations de transition des communes et des EPCI.

Le cinquième levier est la révision des critères d'éligibilité et de répartition. Il s'agirait de conserver le critère de population, tout en améliorant les recensements - je suis toutefois dubitative sur ce dernier point. Il faudrait harmoniser les différents critères du nombre de logements sociaux utilisés actuellement, étudier le remplacement du revenu moyen par le revenu médian, examiner une prise en compte élargie du critère de l'effort fiscal, actualiser les critères de potentiel fiscal et de potentiel financier et, enfin, introduire un coefficient de mutualisation et d'intégration. Cette dernière proposition est issue du rapport de l'Inspection générale des finances (IGF) et de l'Inspection générale de l'administration (IGA), de 2004 sur les mutualisations au sein du bloc communal. Le coefficient qui figurait dans la loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (MAPTAM) est quant à lui abandonné car il est inopérant.

Peut-on mener de front toutes ces réformes ? Ma position personnelle est que, au vu du constat établi concernant la forte iniquité de la répartition, la priorité doit être la réforme de la DGF. Pour que cette réforme soit soutenable, peut-être pourrait-on faire une pause dans la progression de la péréquation financière, notamment du FPIC. Il faudrait également prévoir une clause de revoyure, à l'aune en particulier des effets de l'éventuelle révision des valeurs locatives. Enfin, il faudrait également s'interroger sur la nécessité d'intégrer d'autres ressources dans l'enveloppe normée.

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