Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous concluons aujourd’hui les travaux budgétaires herculéens de l’année 2009 ; peut-être la métaphore du tonneau des Danaïdes conviendrait-elle mieux à nos finances. Quoi qu’il en soit, « enfin », diront les facétieux avec ironie, « enfin », diront les plus désabusés avec lassitude.
Quelle sera l’année à venir ? Dans un contexte incertain, avec une croissance mondiale très hésitante, des recettes fiscales qui se sont effondrées de 56 milliards d’euros et des déficits qui étranglent toutes les marges de manœuvre budgétaires, tous nos vœux et surtout nos décisions pour 2010 devront d’abord concourir au prompt rétablissement de notre économie.
Certes, le Gouvernement et le Parlement ne peuvent pas agir sur tous les paramètres de l’économie ; il restera toujours une part d’aléa. La reconnaissance des facteurs déclencheurs de la crise hélas uniquement après le déclenchement de celle-ci en est la meilleure démonstration.
Aujourd’hui, les intérêts de la dette apparaissent supportables en raison de la faiblesse des taux, mais la dette elle-même est colossale, et aurait été inimaginable il y a quelques années seulement.
Pour la seule année 2009, entre les prévisions de la loi de finances initiale et l’exécution de la troisième loi de finances rectificative, les déficits alimentant la dette ont été multipliés par deux !
Monsieur le ministre, nous ne pourrons faire plus longtemps l’économie d’un véritable débat national sur les conséquences désastreuses de cette dette pour notre futur. Nous n’avons pas le droit de nous y habituer, de faire comme si elle était définitivement installée, tout en sachant qu’elle stérilisera toute capacité d’action de l’État. Telle quelle, elle va véritablement ôter à notre pays sa liberté de choisir et d’agir.
Le danger se situe bien au-delà des conséquences désastreuses pour les générations à venir. L’auteur québécois Albert Laberge assène froidement, avec lucidité et bon sens : « les dettes, c’est souvent le commencement de la ruine ». Mettons ce bon sens en pratique.
Il n’y a pas d’autre issue que de rembourser cette dette. Aujourd’hui, nous ne pouvons sans doute plus recourir à la solution de la dévaluation, car il est très difficile d’imaginer que celle-ci soit acceptée par nos quinze partenaires de l’Euroland.
Il est curieux que dans une société où il n’y a plus – ou presque – de tabous, le mot « rigueur » en soit devenu un. Trouvons alors un mot mieux accepté par le politiquement correct ; il sera en tout cas synonyme d’effort, de sacrifice, de courage.
S’il n’y a pas d’alternative au remboursement de la dette, il n’y en a pas non plus au devoir absolu pour l’exécutif et le législatif de nous le donner pour premier objectif.
Un tel niveau d’endettement est insoutenable dans la durée. Il menace, je le répète, l’indépendance même de notre gouvernance économique et politique. Se saisir de cette question n’est donc pas un droit pour le législateur ; c’est, je le répète à nouveau, un devoir absolu. Nous devons envisager ensemble les solutions raisonnables mais déterminantes qui nous permettront de sortir de l’étreinte mortelle de cette dette.
Malgré l’austérité de mes propos, essayons d’être optimistes en cette période de Noël et soulignons la qualité du travail effectué, notamment au sein de la commission des finances du Sénat.
Grâce à ce travail, la Haute Assemblée a permis la mise en place de mesures phares propres à faire face aux problèmes d’actualité et nécessaires au redressement de nos finances. Beaucoup de ces mesures ont été définitivement adoptées par la commission mixte paritaire.
Comme l’a souligné le président Arthuis, concernant la lutte contre l’économie souterraine et la modernisation des administrations fiscale et douanière, la commission mixte paritaire a adopté, et je m’en réjouis, la quasi-intégralité des dispositions proposées par notre assemblée. Agir contre l’économie souterraine est indispensable car celle-ci constitue un élément de déstabilisation sociale.
S’agissant de la lutte contre l’évasion fiscale, il était impératif d’agir et de rendre compte à une opinion publique qui ne comprend pas l’existence et la justification des paradis fiscaux. Le texte de la commission mixte paritaire tend à rendre plus pragmatiques les dispositions proposées sans remettre en cause leur efficacité.
Plus précisément, le dispositif renforce la clause de sauvegarde applicable aux prestations de services payées à des personnes ou à des entités domiciliées ou établies dans des territoires non coopératifs, c’est-à-dire la liste noire, et introduit dans le champ de la retenue à la source majorée les prestations artistiques et sportives, à l’exception des salaires.
Quoi qu’il en soit, la liste noire des États et territoires non coopératifs est un sujet sur lequel nous devrons revenir, en fonction de la manière dont ces pays tiendront leurs engagements. Nos relations diplomatiques avec la Suisse, particulièrement fragilisées par l’affaire des listings de HSBC, sont un des éléments de l’actualité bancaire internationale auxquels notre assemblée sera très attentive.
Comme l’a rappelé M. le président de la commission des finances, pour ce qui est du traitement des produits ou des intérêts des emprunts à destination des États de cette liste, la commission mixte paritaire est parvenue à une solution raisonnable, qui maintient le caractère dissuasif de la procédure tout en évitant les délocalisations d’activités. Pour ma part, je pense qu’elle a trouvé un équilibre judicieux entre ces deux considérations.
En outre, la commission mixte paritaire a réglé de façon rationnelle la question, très sensible, de la taxe sur la publicité audiovisuelle, et celle de l’aide locale au cinéma.
J’ajouterai que c’est en tenant compte des modifications apportées par le Sénat qu’elle est parvenue à proposer un texte équilibré dans le domaine du logement social.
Avec une minorité du groupe RDSE, la majorité de celui-ci confirmant son vote négatif sur la loi de finances initiale, je voterai donc le texte réaliste et sincère de la commission mixte paritaire et conclurai, pour la dernière fois cette année, avec Winston Churchill : monsieur le ministre, « agissez comme s’il était impossible d’échouer ! »