Intervention de Didier Migaud

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 28 mai 2015 à 8h33
Audition de M. Didier Migaud premier président de la cour des comptes sur la certification des comptes de l'état — Exercice 2014 - et sur le rapport relatif aux résultats et à la gestion budgétaire de l'exercice 2014

Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes :

Vous le savez en 2014, la réduction des dotations aux collectivités territoriales a représenté 1,5 milliard d'euros mais elle a été, de différentes façons, plus que largement compensée. En 2015, la situation sera peut-être différente.

S'agissant de l'efficacité de l'action publique, vous êtres plusieurs à partager les préoccupations de la Cour des comptes sur la démarche de la performance. Bien évidemment, je le dis à nouveau, la Cour des comptes n'a pas à juger l'opportunité des choix politiques, qui vous appartiennent en tant qu'élus, mais il nous revient d'apprécier l'écart entre les engagements pris et la réalité. La France a fait le choix d'un redressement des comptes publics progressif, plus lent que certains pays, et s'il ne nous appartient pas de commenter cette décision politique, nous devons, en revanche, vérifier si la trajectoire fixée est respectée. On a pu constater par le passé que la France a rarement respecté ses objectifs, presque jamais pourrais-je dire !

L'équilibre structurel dont a parlé Richard Yung n'est plus un objectif pour 2017 : il a été reporté en 2019. Le respect de ces engagements tiendra beaucoup à la capacité de la France à maîtriser ses dépenses. C'est le sujet fondamental et il rejoint vos interrogations sur l'efficience et l'efficacité de l'action publique. Par rapport à la plupart des autres pays, nous sommes bien obligés de constater que la France consacre davantage de moyens à la mise en oeuvre de ses politiques publiques pour de moindres résultats.

Sur les dépenses de personnel, là encore, nous raisonnons sur les engagements pris et l'on observe de légers dépassements. Il est vrai que lorsque nous prenons en compte le temps long, ces dépenses ont été contenues mais si l'on veut respecter les engagements, il faudra aller au-delà, ou mettre en place des redéploiements et se poser la question des effectifs dans la fonction publique.

Vous avez évoqué les conférences budgétaires, les conférences de performance, les conférences fiscales... Mais il n'y a aucune coordination entre ces différentes conférences. On voit bien que la démarche de performance imprègne insuffisamment les administrations publiques françaises, d'où le rôle essentiel de contrôle que doit jouer le Parlement, aussi bien en matière de dépenses (y compris fiscales) que de recettes. Leurs niveaux dépendent certes des décisions que vous prenez, mais aussi d'un certain nombre de facteurs comme le calcul de l'élasticité ou les hypothèses de croissance. L'an dernier, on a constaté davantage de prudence dans les hypothèses économiques, que par le passé. Vraisemblablement, la loi de finances initiale avait été construite sur des hypothèses très optimistes, et les ajustements opérés par la première loi de finances rectificative n'ont pas été suffisants, nonobstant les remarques de la Cour des comptes. La deuxième loi de finances rectificative a, en revanche, mis en place des ajustements que je qualifierais d'excessivement prudents. Pourtant, au moment de l'examen du collectif de fin d'année, nous disposons déjà d'éléments suffisamment précis pour apprécier la réalité, sinon des recettes, avec un bémol pour l'impôt sur les sociétés ou la TVA, au moins de la dépense. Les sous-budgétisations sont, comme nombre d'entre vous l'ont souligné, récurrentes. En ce qui concerne les dépenses liées aux opérations extérieures (OPEX), c'est en 2012 que l'écart entre prévisions et exécution était le plus faible, mais l'amélioration ne s'est pas poursuivie. Il faut noter que le décalage entre la budgétisation et les besoins réels est parfois voulu, car il permet de porter une certaine pression sur les gestionnaires. Les reports de charges suscitent évidemment de l'inquiétude : des risques réels pèsent sur l'exécution 2015.

Les investissements d'avenir sont un des principaux sujets de discussion entre la Cour et le Gouvernement. Ils étaient initialement conçus comme tout à fait exceptionnels, ce qui pouvait justifier un traitement budgétaire dérogatoire. Mais nous savons désormais que les programmes d'investissement d'avenir se suivent, comme certaines séries télévisées américaines ou françaises qui peuvent connaître de longs développements : plus la série s'allonge, plus les investissements d'avenir deviennent ordinaires, et plus leur traitement budgétaire différencié posera problème. Est-il impossible de financer des investissements d'avenir sur le budget de l'État ? S'il s'agit de les préserver de la régulation budgétaire, la sortie du budget n'est pas nécessaire : l'État peut changer ses propres règles de régulation et décider qu'elles ne s'appliquent pas aux dépenses d'investissement ! Si la débudgétisation des PIA se justifie par le fait que les règles relatives au budget de l'État ne sont pas efficaces, changeons ces règles ! La débudgétisation des PIA produit des effets très pervers, en particulier du point de vue du contrôle parlementaire et votre réaction devrait être vigoureuse...

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